Marché commun

Face à la crise, les Dix restent en ordre dispersé

Enrichie d'un dixième membre avec l'adhésion de la Grèce, le 1er janvier 1981, la Communauté économique européenne a traversé des temps difficiles.

Les crises se sont succédé, en effet, depuis l'été 1980. Que ce soit à propos du marché commun agricole, de la mise en œuvre du budget, de la politique de la pêche ou de l'espace, l'Europe communautaire éprouve les plus grandes difficultés à parler d'une seule voix.

Pourtant, le poids de la Commission des communautés européennes a été renforcé par l'arrivée à sa tête, également le 1er janvier 1981, de Gaston Thorn, ancien président du Conseil du Luxembourg, un Européen libéral convaincu qui a succédé au Britannique Roy Jenkins. À ses côtés siègent cinq nouveaux commissaires, dont Edgar Pisani, qui remplace Claude Cheysson pour la France.

Mais, si les hommes sont en place, la machine reste grippée. On l'a vu encore à l'occasion des réunions, en juin 1981, des ministres des Finances, chargés notamment de préparer le sommet économique d'Ottawa, où les Européens ont affronté les États-Unis à l'occasion de l'harmonisation des politiques économiques et monétaires.

Malgré le succès du Système monétaire européen, auquel les principaux partenaires de la France restent attachés, il n'a pas été possible de mettre en place un politique commune des taux d'intérêt, et encore moins de passer à la deuxième étape du SME prévoyant pour le mois de mars 1981 l'élargissement des compétences européennes, le renforcement des moyens financiers communautaires et la création d'une monnaie commune

Cet échec fait suite à d'autres, beaucoup plus importants encore.

Le budget

L'élaboration du budget pour 1982 a donné lieu à des joutes oratoires importantes qui n'ont toujours pas pris fin. Il est vrai que la procédure budgétaire est longue et complexe. De plus, elle donne aux députés européens des pouvoirs que leur contestent toujours les responsables nationaux.

Ce sont, en effet, les députés européens qui votent les dépenses communautaires, alors que ce sont les députés nationaux qui votent les recettes. Or, le budget était cette année particulièrement lourd, prévoyant 22,3 milliards d'ECU de dépenses, pour 22,9 milliards de recettes.

Le commissaire chargé du budget, le Britannique Christopher Tugendhat, a souligné, en présentant son budget, l'importance des dépenses (+ 40 %) prévues pour les aides au chômage, qui touchait au printemps 1981 dix millions de personnes dans la Communauté. De même il a été prévu un accroissement de 26 % des ressources devant être affectées au fonds régional pour le développement.

Curieusement, ce ne sont pourtant pas ces points particuliers qui ont suscité le plus de polémiques, mais les 500 millions d'ECU que les parlementaires européens avaient voté pour aider les travailleurs de la sidérurgie et les victimes du tremblement de terre en Italie.

Le gouvernement de Raymond Barre fut alors l'un des premiers à s'opposer à ces dépenses, jugées comme un prétexte pour dépasser le cadre des dépenses que les représentants des différents gouvernements avaient fixé à la Communauté. On s'en est sorti en repoussant la négociation au second semestre 1981.

L'agriculture

Derrière cette querelle juridico-politique sur le budget se profile naturellement le problème du marché commun agricole que les Britanniques ont, une fois de plus, remis en cause (Journal de l'année 1979-80).

Sir Geoffrey, chancelier de l'Échiquier, exigeait la réduction des subventions aux produits fermiers, qui font l'objet d'importants surplus, la libre concurrence et un contrôle plus étroit des dépenses en général, tandis que les Italiens refusaient de signer l'accord sur le sucre. Le problème n'est résolu que par un compromis difficile sur les prix agricoles, au sommet du 24 mars 1981 à Maastricht, aux Pays-Bas, les grandes questions de fond étant reportées à plus tard.

La technologie

Le projet Eurocontrol visant à établir un espace aérien commun à tous les pays signataires du traité de Rome a dû être abandonné. Les dossiers sur la mise en œuvre d'une politique commune en matière de télécommunication, de télématique et de microprocesseurs sont gelés.