Armée

Changements d'hommes et attente de nouvelles orientations

Jamais, en une année, les activités du ministère de la Défense en France et celles de l'institution militaire n'auront été autant paralysées par les changements d'hommes intervenus dans la haute hiérarchie de cette administration, soit que les événements politiques ont entraîné ces modifications, soit que des disparitions brutales de responsables ont affecté le commandement. C'est, d'abord, le poste de ministre de la Défense qui a connu quatre titulaires différents et c'est, ensuite, celui de chef d'état-major des armées qui a été attribué successivement à trois généraux en l'espace d'une douzaine de mois.

Affectations

Le 2 juillet 1980, le général Guy Méry abandonne ses fonctions de chef d'état-major des armées avec trois mois d'avance sur la limite d'âge de son rang. Il est remplacé par le général Claude Vanbremeersch, ancien chef de l'état-major particulier de la présidence de la République de juin 1975 à juin 1979, puis commandant la Ire armée à Strasbourg. À la fin de l'année, le général Vanbremeersch demande, pour raisons de santé (il mourra quelques semaines après), à être relevé de ses fonctions, et c'est le général Jeannou Lacaze, parachutiste, ancien officier de renseignement, gouverneur militaire de Paris, commandant la Ire région militaire et le 3e corps d'armée, qui est désigné le 8 janvier 1981 à la tête de l'état-major des armées.

L'armée de terre connaît les mêmes bouleversements. Le 1er octobre 1980, le général Jean Lagarde, après six années de responsabilités, quitte l'état-major de l'armée de terre six mois avant la limite d'âge, et c'est le général Jean Delaunay, promu en deux mois du grade de général de division au rang de général d'armée, qui est appelé à lui succéder. Dans le même temps, le général Jacques de Barry est placé à la tête de la Ire armée.

Même observation pour le poste de ministre de la Défense, qui est retiré à Yvon Bourges, à la fin de septembre 1980, lorsque celui-ci est élu sénateur RPR d'Ille-et-Vilaine. Joël Le Theule, ancien ministre RPR des Transports, lui succède le 2 octobre, mais sa mort brutale, à l'âge de cinquante ans, contraint le président de la République à confier, le 23 décembre 1980, la responsabilité de la Défense à Robert Galley, qui conserve cependant ses fonctions de ministre de la Coopération.

Inconfortable

La victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles amène un nouveau bouleversement, avec la nomination, le 22 mai 1981, de Charles Hernu au ministère de la Défense et avec la désignation, le 24 juin, d'un secrétaire d'État à la Défense, Georges Lemoine (PS), qui est plus spécialement chargé de s'occuper de l'organisation des réserves, de la nationalisation des industries d'armement et de la protection des populations civiles contre la menace nucléaire. Toutes ces considérations expliquent donc que l'institution militaire, durant cette période, ait paru un peu à la dérive, comme livrée à elle-même, pratiquement sans contrôle de l'autorité politique.

C'est une situation inconfortable, à la longue, pour les armées françaises qui, précisément, en sont arrivées — après une vingtaine d'années sous la direction du général de Gaulle et de Georges Pompidou — à un stade de leur organisation où il leur faut réfléchir à de nouveaux développements, compte tenu d'un environnement international qui, lui, a beaucoup évolué.

Lenteur

Malgré un budget qui est en hausse importante, régulièrement, depuis 1975, et qui s'élève pour 1981 à environ 104 400 millions de F, les armées enregistrent un inquiétant passif. Tant à la commission des Finances qu'à celle de la Défense de l'Assemblée nationale, des parlementaires s'inquiètent de la lenteur de l'équipement de l'armée de terre et dénoncent l'insuffisance des capacités opérationnelles de l'armée de terre : entraînement réduit, retards dans les livraisons, matériels sans rechange ni munitions, etc. La marine nationale n'est pas davantage privilégiée, en dépit de la décision du gouvernement, le 23 septembre 1980, d'autoriser la construction de deux nouveaux porte-avions à propulsion nucléaire qui devraient remplacer le Foch et le Clemenceau, retirés du service après 1990.