À l'institut Laue-Langevin de Grenoble, une équipe internationale monte un dispositif capable de déceler la transformation spontanée d'un neutron en antineutron, phénomène non observé jusqu'ici, mais qui, selon la grande unification, devrait survenir de temps à autre. Il en est de même pour la désintégration spontanée du proton, mais elle serait encore plus rare : quelques désintégrations par an pour 10 t de matière.

Malgré la difficulté, une expérience est en cours au fond d'une ancienne mine d'argent inondée dans l'Utah (USA). D'autres sont projetées en Europe, notamment dans une galerie qu'on commence à creuser à partir du tunnel routier du Fréjus. Une épaisse couverture de terre est nécessaire pour arrêter le bruit de fond du rayonnement cosmique, dans lequel se noierait un événement très rare.

Antiprotons

À Genève, les chercheurs du CERN, qui avaient déjà pu en 1978 conserver des antiprotons dans un anneau durant 85 heures (Journal de l'année 1978-79), réussissent, en mars 1981, à introduire un milliard d'antiprotons dans le PS (synchrotron à protons) et à leur communiquer une énergie de 28 GeV. L'étape suivante (printemps 1981) consiste à lancer un tel faisceau d'antiprotons dans un anneau de stockage, à la rencontre d'un faisceau de protons accéléré en sens contraire. Puis est prévue, pour le mois d'août 1981, l'expérience décisive : la collision, dans l'anneau de stockage, d'un faisceau de protons avec un faisceau d'antiprotons, accélérés tous deux à quelque 260 GeV dans le SPS (supersynchrotron à protons).

Des phénomènes nouveaux devraient alors être observés. Certains sont prévus, mais il pourrait bien y avoir des surprises ; elles ne seraient pas sans conséquences sur les théories qui tentent de décrire la structure interne du proton ou du neutron.

Quarks

Dans ce domaine de la structure des nucléons, les chercheurs américains de Berkeley, en lançant sur des plaques photographiques des ions de fer ou d'oxygène accélérés aux environs de 2 GeV par nucléon, ont retrouvé avec étonnement des anomalies naguère remarquées avec quelques ions lourds du rayonnement cosmique, mais qu'on avait pu, à l'époque, supposer liées à des incertitudes d'observation.

Les trajectoires d'environ 6 % des fragments résultant des collisions des ions lourds avec les noyaux de l'émulsion présentent des particularités, dont l'une des explications serait qu'il se forme, au cours des chocs, des nucléons comprenant plus de quatre quarks, cinq par exemple, ou davantage. D'autres interprétations ont été avancées, mettant en jeu les gluons, particules intermédiaires de l'interaction forte entre quarks.

Non-séparabilité

Sur le plan purement théorique, l'attention se porte vers les conséquences extrêmes de l'interprétation dite de Copenhague de la physique quantique. Développées notamment en France par Bernard d'Espagnat, elles introduisent, en opposition avec les conceptions d'Einstein, un principe de non-séparabilité : deux particules qui ont été incluses dans un même système (un atome par exemple) peuvent demeurer ensuite corrélées, quelle que soit la distance qui les sépare et même si cette interaction paraît devoir s'exercer à une vitesse supérieure à celle de la lumière.

Des expériences menées par Alain Aspect à Orsay sur des photons corrélés paraissent (bien que le résultat n'en soit pas encore publié) confirmer cette théorie, qui exigerait une réinterprétation — mais non nécessairement un abandon — du principe einsteinien selon lequel la vitesse de la lumière est une vitesse limite. Certains physiciens, en France B. d'Espagnat, vont plus loin, en supposant qu'une des particules corrélées envoie à l'autre un message transitant par le passé ou par le futur.

Cette interprétation fantastique, qui met en cause les concepts de temps et de causalité, a été largement utilisée au cours d'un colloque organisé à Cordoue par France-Culture sur le thème Science et Conscience, en faveur de la réalité des phénomènes dits paranormaux (télépathie, précognition, psychokinèse, etc.). Mais la plupart des scientifiques (dont le prix Nobel Alfred Kastler et l'astrophysicien Jean-Claude Pecker) réagissent fortement contre ce qu'ils considèrent comme une intrusion illégitime de la métaphysique dans la physique.

Sciences de la Terre

Bilan des progrès de la géologie

Le 26e Congrès géologique a rassemblé à Paris 4 850 scientifiques de 121 nationalités. Du 7 au 17 juillet 1981, il a fait le point sur les progrès fantastiques accomplis par les sciences de la Terre depuis une dizaine d'années et tenté de prévoir les principales voies de recherche de la proche décennie.