Avril : avec le printemps, éclôt la campagne électorale. On ne verra pas sur les petits écrans Jean-Pierre Castelain. Pas candidat pour deux sous, Castelain a néanmoins composé une chanson de circonstance de très belle facture : « Je donnerai ma voix à celui qui n'aura ni l'amour de l'argent ni le goût du pouvoir... qui ne mentira pas pour être populaire Et qui tiendra demain les promesses d'hier... » L'histoire ne dit pas si tous les candidats ont reçu et entendu ce disque réussi.

Mais on entend à nouveau Alain Bashung, toujours lui-même dans ses œuvres. Son nouveau tube s'intitule Vertige de l'amour. Devant les écrans électoraux, la voix goguenarde ironise : « Non, mais t'as vu c'qu'ils passent, J'veux l'feuilleton à la place... ». De la Java du diable à la Salsa du démon, quel chemin la chanson n'a-t-elle pas parcouru ? Si son champ de tir reste le même, la redoutable amazone a précisé sa ligne de mire...

Jazz et pop

Le public pris de court par un déferlement de tendances

Par-delà les écoles, les styles et les tendances, l'élément sans doute le plus important de la mythologie du rock est son image. Il y a quelques années, l'aspect extérieur était un peu le même pour tout le monde : cheveux longs, jeans, parkas ou blousons. Et puis David Bowie et Roxy Music ont introduit la notion d'élégance. Chaque famille de style se reconnaît immédiatement dans les concerts où se produisent ses groupes.

Punk

Les nostalgiques de l'ère punk (1976-78) se retrouvent en septembre-octobre pour applaudir les Ramonas, Siouxsie and the Banshees et les Undertones. Les cheveux sont courts, décolorés en teintes arc-en-ciel, bleu, rouge, vert, jaune. Les clous et les chaînes décorent des vêtements délibérément tristes. L'atmosphère est tendue, surtout devant la scène où bondissent les adeptes du pogo. Les babas, éternels ennemis des punks, se retrouvent au Palace le 14 octobre pour les dix ans de leur bible, la revue Actuel — qui, entre-temps, a changé de bord et célèbre aujourd'hui les charmes d'une jeunesse active et résolument axée sur la modernité.

La chanteuse allemande Nina Hagen reçoit, en novembre, un accueil mitigé. Le public à l'exception de ses fans n'apprécie pas ses provocations, même quand elle offre se version, à la limite de la parodie, du reggae. Son film autobiographique, Chacha, a reçu un succès très limité.

Reggae

Du reggae bon teint, il en passe souvent en France : Toots and the Maytals, un groupe déjà en vogue dans les années 60, quand le reggae s'appelait encore ska ou blue beat (novembre). Puis Burning Spear (janvier), l'un des chanteurs les plus engagés, avec Bob Marley — qui disparaît le 11 mai à l'issue d'une longue maladie. La France aime les musiques noires. La salsa triomphe dans les boîtes. Et le chanteur - saxophoniste - magicien - homme politique Fela Anikulapo Kuti se produit en mars, puis en juin, devant des milliers de Parisiens.

Romantiques

Avec Orchestral Manœuvres in the Dark (novembre), on commence à parler de nouveaux romantiques. Un mouvement qui se confirme avec le passage de Spandau Ballet (mai). En juin, c'est le rock de Adams and the aunts qui enflamme le public. Finies les défroques agressives, les cuirs cloutés et les pantalons moulants : le vêtement se fait drapé, ample, bouffant, et renoue avec l'époque Directoire, muscadins et merveilleuses.

Le rock s'amuse, frivole en apparence, mais terriblement conscient, à travers sa musique, de la difficulté des temps présents. Orchestral Manœuvres, Simple Minds (janvier) ou les New-Yorkais de l'expérience Rock in Loft (janvier), Tuxedo Moon, Alan Vega, mettent en scène la difficulté d'être jeune dans un monde en crise, économique et morale. Bien peu vont jusqu'à la revendication posée en termes politiques, comme les Clash (mai), en passe d'être mythifiés, dans le Panthéon du rock, aux côtés des Rolling Stones, leurs grands ancêtres. Leur musique et leurs chansons, souvent violentes, parlent de la misère dans les ghettos noirs, du chômage, de l'ennui, de la peur généralisée. Un film les met en scène au cours d'une tournée, dans une Angleterre qui ne permet même plus d'espérer, Rude Boy, un excellent témoignage sur les temps modernes à travers l'existence quotidienne d'un groupe de rock. Restons dans le cinéma avec Hazel O'Connor dans Breaking Glass ; un film qui a su dépeindre avec beaucoup de force le succès puis la déchéance d'un groupe.

Téléphone

Plus en douceur, mais tout aussi efficace, la révolte exprimée par Téléphone a l'avantage d'être immédiatement comprise par le public français. Téléphone effectue en janvier et février une tournée marathon à travers le pays, recevant partout un accueil délirant. Par sa stature, son énergie, sa présence en scène et la qualité de ses compositions, le groupe Téléphone est devenu en peu d'années l'une des meilleures formations. Les Bretons de Marquis de Sade (mars) proposent une musique plus élaborée, aux confins du jazz et de la pop music. Ils chantent en français, mais aussi en anglais et en allemand, souhaitant s'affirmer comme un groupe européen. Un peu la même démarche que le groupe allemand Kraftwerk, qui chante aussi en français.