Marché commun

Les Neuf sont unanimes, sauf quand il s'agit de résoudre leurs problèmes

Les Neuf de la Communauté européenne auront, au total, fait meilleure figure face aux grands foyers de tension allumés sur la scène internationale que dans la gestion de leurs affaires internes.

En effet, il aura fallu plus de six mois d'âpres négociations pour que soit mis, le 30 mai 1980, un terme provisoire au différend opposant Margaret Thatcher à ses huit partenaires sur le montant de la contribution britannique au budget européen pour les années 1980 et 1981. Ce différend a retardé de deux mois l'accord sur les prix agricoles de la campagne 1980-1981, les paysans européens étant devenus en quelque sorte les otages des Britanniques dans ce conflit.

Le différend n'a trouvé qu'une solution temporaire pour deux à trois ans, et ambiguë, faisant apparaître clairement que le Royaume-Uni n'était pas disposé à accepter l'ensemble des obligations communautaires, notamment celles qui organisent la solidarité financière entre les membres du Marché commun. À tel point que Valéry Giscard d'Estaing a cru devoir tirer les conséquences de cette remise en cause, en demandant, le 5 juin devant les chambres d'agriculture à Paris, que les Neuf se mettent d'accord entre eux sur ce que sont vraiment les règles de vie de la Communauté avant de négocier un second élargissement de la Communauté.

Coup de semonce

Les incidents, fin juin, à la frontière franco-espagnole à propos de livraisons de produits agricoles espagnols en France devaient confirmer qu'un temps de réflexion était utile.

En réalité, la Communauté est ébranlée dans deux de ses fondements : la politique agricole commune et l'existence de ses ressources propres. On sait comment, dans les années passées, l'Europe verte et son système de prix communs ont eu du mal à résister aux secousses monétaires, avant que ces dernières ne soient amorties par le SME mis en place en 1979 (Journal de l'année 1978-79). C'est le coût exorbitant de cette politique qui rameute désormais ses adversaires.

Les attaques portées à son encontre, à cor et à cri par les Britanniques et mezzo voce par les Allemands, ont trouvé un formidable écho au Parlement européen. Celui-ci a tiré un coup de semonce en rejetant, le 13 décembre 1979, le projet de budget européen pour 1980. Il a ainsi marqué son refus de voir les dépenses de soutien agricole manger une part grandissante (déjà 70 %) des ressources propres de la communauté. Helmut Schmidt lui-même, au Conseil européen de Venise, le 12 juin 1980, ne s'est-il pas interrogé sur le point de savoir s'il fallait maintenir les prix agricoles communs ?

Une seule voix

Paradoxe : alors que les mécanismes communautaires sont ainsi remis en cause, la coopération politique entre les Neuf, qui fonctionne en dehors de ces mécanismes, s'est manifestée tout au long de l'année, donnant même des résultats plutôt encourageants.

Il y a le problème des réfugiés d'Indochine, avec le souhait du Conseil européen des Neuf à Strasbourg, le 22 juin 1979, de voir se réunir une conférence internationale dans le cadre des Nations unies sur ce problème et la décision des Européens de suspendre l'aide alimentaire au Viêt-nam pour la transférer aux réfugiés.

Il y a l'intervention soviétique en Afghanistan, fermement condamnée dès le 15 janvier 1980, condamnation renouvelée par le Conseil européen de Venise, le 13 juin, où les Neuf évoquent « la résistance de tout le peuple afghan » et son « droit à déterminer lui-même son destin ».

Sur les sanctions à rencontre de l'URSS, les Neuf s'en tiennent à une attitude très modérée, se bornant à « ne pas se substituer directement ou indirectement » aux États-Unis (qui ont décrété l'embargo) pour les livraisons de céréales sur le marché soviétique. Les ventes de beurre, de même, continueront sans qu'elles apparaissent comme un élargissement du marché par rapport aux ventes européennes des années antérieures. À la question du boycottage des jeux Olympiques, la réponse des pays européens est loin d'être unanime. En revanche, les Neuf sont d'accord pour ne plus accorder de taux de faveur aux crédits de l'Union soviétique. Au total, l'Europe marque sa fermeté tout en ménageant la détente.