Sur le marché intérieur, l'activité des travaux publics avait été médiocre en 1979, et la politique restrictive de l'État ne saurait l'améliorer en 1980 et en 1981. La régularité des chantiers nucléaires ne suffit pas à compenser l'amenuisement des programmes émanant des collectivités locales et des autres clients publics, soumis à de fortes compressions budgétaires.

Mini-plan de relance

Le ministre de l'Économie, R. Monory, annonce des mesures en faveur du bâtiment pour l'été 1980. Elles doivent permettre d'éviter la récession, et la mise en chantier d'un nombre de logements semblable à celui de 1979. Les restrictions de crédits pour l'accession à la propriété seront, en même temps, allégées.

Chimie

Le retour en forme

Huit pour cent de croissance : telle est l'excellente performance réalisée en 1979 — et au grand étonnement de ses dirigeants — par l'industrie chimique française.

La fringale de produits chimiques manifestée par des industries telles que l'automobile, le bâtiment, la papeterie ou l'électroménager a permis de résorber, en l'espace de quelques mois, l'essentiel des excédents de capacité de production considérés, début 1979, comme devant être durables sinon définitifs. Ainsi les usines de matières plastiques, très touchées en 1977 et 1978, tournaient-elles fin 1979 à 80 % de leur capacité. Bien plus, la libération des prix industriels a permis de reconstituer les marges bénéficiaires : en un an, le prix des plastiques a augmenté de 60 % contre un doublement, il est vrai, du prix du naphta, le dérivé du pétrole qui alimente les usines pétrochimiques.

Ballon d'oxygène

En attendant, les trois fabricants français de plastiques — Rhône-Poulenc, ATO-Chimie et CDF-Chimie — ont trouvé là un ballon d'oxygène fort apprécié. Ce fut une bonne année aussi pour les fabricants d'engrais et de produits phytosanitaires. En revanche, et malgré les efforts déployés par leur syndicat professionnel, les fabricants de produits pharmaceutiques n'avaient toujours pas obtenu à la mi-1980 le retour à la liberté de leurs prix. Ils eurent beau faire valoir qu'ils ne représentaient que quatre petits pour cent des dépenses de santé, le déficit des caisses d'assurance maladie a fait obstacle, sur ce terrain, à la volonté libérale du gouvernement.

Enfin, deux secteurs n'ont guère profité du retour en forme de l'industrie chimique : les colorants et les fibres synthétiques, tous les deux très dépendants d'une industrie textile encore anémique. Pechiney-Ugine-Kuhlmann a dû réduire les effectifs de ses usines de colorants, tandis que Rhône-Poulenc poursuivait consciencieusement son plan textile lancé en décembre 1977 tout en annonçant pour 1979, 550 millions de F de pertes dans ce secteur. Au total, d'ici 1982, année du retour espéré à la bonne santé, cette opération (qui suppose le départ ou le reclassement de 7 000 personnes) coûtera entre 2,5 et 3 milliards de F au numéro un de la chimie française.

Mené tambour battant par son nouveau patron, Jean Gandois, Rhône-Poulenc retrouve peu à peu sa place parmi les ténors de la chimie mondiale et joue à fond aussi bien sa force de frappe dans les produits simples (il est, par exemple, le 1er producteur français d'engrais) que son potentiel de recherche et de développement dans les produits de spécialité : ceux d'aujourd'hui, comme les pesticides ou la pharmacie, ou ceux de demain, comme la reprographie et la micro-électronique, les terres rares (minéraux qui servent notamment à colorer les écrans de télévision) et surtout la biochimie, c'est-à-dire l'aptitude à faire travailler les bactéries pour produire, par exemple, des semences, des aliments pour le bétail, des spécialités pharmaceutiques. Sur un budget de recherche de 1,3 milliard de F, Rhône-Poulenc consacre déjà 550 millions de F à la biologie. Orientés jusqu'à présent vers les antibiotiques, les vaccins et les vitamines, les efforts du groupe se redéploient désormais vers les nouveaux horizons de la bio-industrie, qui sera, avec l'exploitation du sol marin, l'électronique et les automatismes industriels, l'une des grandes industries de demain. La preuve ? Les Japonais y investissent massivement, à tel point qu'ils auraient déjà pris quelques longueurs d'avance sur leurs concurrents occidentaux.

Extrême prudence

Après les excellents résultats de 1979, l'année 1980 se présente sous un jour un peu plus contrasté. Les hausses des prix du pétrole décidées avant et après la réunion de l'OPEP à Caracas ont provoqué de nouvelles et fortes augmentations de coûts au moment où les marchés commençaient à s'essouffler, d'où une légère contraction des marges bénéficiaires à partir du milieu de l'année. Le renchérissement du loyer de l'argent gonfle les frais financiers d'une industrie déjà lourdement endettée. Enfin, la récession américaine va générer un courant d'exportations favorisé, par ailleurs, par le cours relativement bas du dollar (des plaintes anti-dumping, au demeurant peu justifiées, ont d'ailleurs été déjà déposées par les fabricants d'engrais et de fibres synthétiques). Cela dit, l'expérience de 1979 montre à quel point cette industrie lourde (en recherche ou en investissements) était rapidement capable de refaire surface après avoir connu trois années de surcapacités de production ruineuses. Désormais, le ménage a été fait et l'on peut penser que de nouvelles unités de production ne seront mises en place qu'avec une extrême prudence... Enfin, espérons-le, car, pour son malheur, l'histoire de l'industrie chimique a toujours démontré le contraire.

Textiles

Un importateur chasse l'autre

Pauvre industrie textile ! À peine a-t-elle fini de colmater une fissure qu'une nouvelle vague d'importations provoque une lézarde de plus dans sa façade. Depuis 1978, l'accord multifibres contenait tant bien que mal les importations en provenance des pays du tiers monde. Bénéficiant de conditions de faveur, les pays associés du Marché commun ou candidats à l'adhésion, comme le Maroc, la Grèce ou le Portugal, par exemple, passaient au travers des mailles du filet et leurs exportations vers la France augmentaient, en 1979, de près de 50 %.

Pagaille

Protégés par une série d'accords bilatéraux très restrictifs et stimulés par la faiblesse du dollar, les Américains entraient dans la danse, semant la pagaille sur les marchés des fibres polyester, du blue-jean et du velours. Et n'oublions pas l'ennemi de l'intérieur, l'Italie, avec ses dizaines de milliers de travailleurs officieux — mais également ses entreprises rutilantes, dotées des matériels les plus perfectionnés — pour qui le textile représente ce que l'automobile est à la France : un excédent commercial de 25 milliards de francs. Désormais, pour un article textile que nous vendons à l'Italie, nous lui en achetons deux, et, dans le vêtement, le rapport est de un à quatre.