De l'Est encore, outre Les héritières de la Hongroise Marta Mezsaros, où notre Isabelle Huppert trouve l'un de ces rôles tout intérieurs dont elle a le secret, ce sont deux réalisateurs polonais, Zanussi, avec Camouflage et surtout La constance, primé à Cannes, et Wajda qui se sont imposés parmi les plus intéressants. Le second dresse, dans Sans anesthésie, un constat sans tendresse de la censure qui règne dans son pays et du machiavélisme feutré d'un pouvoir capable de détruire totalement un homme. La dénonciation — et la démonstration — est ici sans ambiguïté.

Plus proche de nous, et avec moins de problèmes, la Suisse s'est montrée plus discrète que les saisons précédentes. Un film, pourtant, reste comme l'un des plus attachants que l'on ait pu voir : Les petites fugues, d'Yves Yersin, chronique lente et pointilliste de la découverte de la liberté, grâce à un vélomoteur, par un vieil ouvrier agricole interprété avec une bouleversante vérité par Michel Robin. À signaler aussi la satire sans complaisance, mais très drôle, de la xénophobie et du béat conformisme helvétiques : Les faiseurs de Suisses, de Rolf Lyssy.

Quant à la Belgique, elle s'est surtout manifestée à travers le dessin animé insolent de Picha, Le chaînon manquant.

Reste le Canada avec la comédie musicale écologique de Gilles Carle, Fantastica, qui vaut surtout par ses deux interprètes, Lewis Furey, également compositeur de la musique, et, bien sûr, Carole Laure, autour de laquelle le film a été conçu. Restent surtout les deux films venus cette année du Japon : Fin d'automne, tourné il y a vingt ans par Yasujiro Ozu, subtile chronique familiale autour d'un veuf que l'on veut remarier, et le formidable Kageshuma du septuagénaire Kurosawa. Une fresque pleine de bruit et de fureur où s'affrontent de majestueux seigneurs de la guerre et qui s'achève sur un charnier. Cannes lui a fait un triomphe.

Le pouvoir, la mort : ces deux grands thèmes de réflexion redeviennent avec, heureusement, l'amour, les grands axes d'un cinéma sans doute un peu morose, à l'image de son époque, mais, finalement, peut-être plus mûr.

Théâtre

Entre le grand spectacle et le laboratoire

Un demi-million de spectateurs, le Palais des Congrès plein tous les soirs pendant six mois, Robert Hossein n'a pas seulement mis en scène le succès de l'année, il pose un problème : celui du théâtre populaire. Ce théâtre doit-il être une entreprise exigeante qui s'efforce d'attirer le public vers des œuvres de qualité — et comment ne pas penser à Jean Vilar, qui monta précisément La mort de Danton, de Büchner... — ou doit-il aller à lui en proposant d'habiles fabrications à grand spectacle comme ce Danton et Robespierre ?

Soignée, sans doute, inventive, souvent, et bien interprétée, en particulier par Bernard Fresson, superbe tribun jovial et insolent, cette bande dessinée relevait peut-être davantage du Châtelet que du TNP. Heureuse en elle-même — bien qu'une grande partie des fans de Robert Hossein ne fréquentent que ses productions —, cette phénoménale réussite ne peut pas faire oublier qu'il y a d'autres voies pour le théâtre, sous peine d'en revenir rapidement aux énormes ficelles du mélodrame cher à nos pères.

Facilités

Il nous suffit déjà que le Boulevard, contraint au commercial faute de subventions, applique les vieilles recettes : on joue toujours La cage aux folles, et l'on a même repris Tovaritch, avec l'espoir, vain, que Françoise Fabian pourrait imiter les roulades d'Elvire Popesco. Tandis que Jean Poiret tentait sa chance une nouvelle fois — on lui souhaite Joyeuses Pâques, et en compagnie de Maria Pacôme la gaieté est garantie —, François Périer, attendant d'être Orgon dans Tartuffe, revenait à des œuvrettes faciles, où le sourire et l'attendrissement forment un agréable mélange, commode au comédien pour montrer les facettes de son talent.

Coup de chapeau, adapté de l'américain par Barillet et Grédy, ne valait toutefois pas beaucoup plus qu'un honorable salut, de même que La fraîcheur de l'aube, autre bluette made in USA, n'apportait pas assez de substance à Pierre Dux pour nourrir un personnage pourtant merveilleusement campé.