Le drame de ces échecs, c'est que l'on n'en meurt pas, suggère Walser. Il en est cependant qui ouvrent sur la mort ; mort naturelle, à l'issue d'une longue maladie, circonstance qui devrait suffire à écarter toute référence à l'insinuation sartrienne selon laquelle être un bourgeois, c'est d'une certaine manière être victime de la bourgeoisie. Pourtant, ce lien entre la maladie comme métaphore du refus de la vie bourgeoise et la maladie réelle, Friz Zorn, mort à trente ans d'un cancer, ne cesse de l'affirmer dans son autobiographie, Mars, l'un des livres les plus remarqués de l'année. Ce succès s'explique sans doute moins par les qualités littéraires du récit que par la négativité d'une révolte minutieusement instruite sur les rives dorées du lac de Zurich. La virulence du propos culmine dans la conclusion de ce livre du désespoir : « Je me déclare en état de guerre totale. »

Cette déclaration, le héros incendiaire de l'écrivain ouest-allemand Peter O. Chotjewitz (Romans d'amour d'un incendiaire) pourrait la reprendre à son compte. En revanche, Karl, le personnage principal de L'heure du réveil de Jurek Becker, échappe au terrorisme désespéré, comme si le désenchantement — voire le sentiment de rupture — que crée chez nombre de ses intellectuels la société est-allemande, loin de déboucher sur la mort, maintenait intacte l'exigence d'un dépassement dans l'effort d'une critique politique lucide.

Disparate

Le nationalisme, la nostalgie d'un âge d'or du féodalisme japonais, le culte de la force et de l'amitié viriles sont autant de clés qui ouvrent l'accès au monde de Yukio Mishima. Beaucoup de lecteurs peuvent être allergiques aux odeurs de soleil et d'acier, de sang et de sol qu'affectionne l'auteur du Pavillon d'or, de la Confession d'un masque, de Madame de Sade, de Neige de printemps ; mais il leur faut cependant se souvenir que Mishima est littérairement parlant l'un des écrivains japonais les plus doués de sa génération. La biographie que lui consacre John Nathan apporte des lumières sur la genèse de l'œuvre.

C'est plutôt l'odeur de la poudre que l'on respire dans L'état d'apesanteur. Poudre qui recouvre les très anciennes généalogies et les gisants ; poudre qui flotte sur les champs de bataille des guerres de l'Empire et, parfumée, sur les perruques des aristocrates prussiens ou polonais dont les ombres viennent hanter la mémoire de Andrzej Kusniewicz, écrivain polonais. Son précédent roman, Le roi des Deux-Siciles, a reçu en 1978 le prix Séguier de littérature étrangère.

C'est conclure sur un sommet.