On peut estimer qu'en 1979 la hausse sur le pétrole a joué pour 2 à 3 points dans la hausse des prix en France. Ce qui veut dire que, même sans le pétrole, nous aurions connu une inflation de l'ordre de 9 %. Or, lorsqu'il était arrivé à la tête du gouvernement, en août 1976, R. Barre espérait ramener l'inflation en France autour de 6 %, en trois ans. L'objectif est donc manqué d'assez loin. Comment expliquer cette déception ? Pour lutter contre l'inflation, le Premier ministre avait misé essentiellement sur deux armes : la bonne tenue du franc et la modération des salaires. Or, sur ces deux points, il a plutôt réussi, puisque notre monnaie a bien résisté aux tempêtes monétaires et parce que (le chômage aidant) l'évolution des salaires réels, en pourcentage, s'est sensiblement ralentie, comme on peut le constater dans les chiffres ci-dessous qui donnent l'évolution des salaires nets, déduction faite de la hausse des prix, des réductions d'horaires et des augmentations de cotisations sociales :

Pour la première fois, en 1979, le pouvoir d'achat des salariés aurait donc diminué. Une grande querelle s'est développée à ce sujet. Le gouvernement a nié le phénomène en faisant valoir que, si l'on retranche la hausse des cotisations sociales du revenu disponible, il faudrait en toute logique ajouter à celui-ci la hausse des prestations sociales financées grâce à ces cotisations. Or, en 1979 encore, ces prestations se sont accrues de 4 % en valeur réelle. Ce raisonnement est parfaitement fondé si l'on considère l'économie globalement. Le pouvoir d'achat des Français s'est encore accru en 1979 (de près de 2 %) ; mais il n'en a pas été de même pour tous les Français, car ce ne sont pas toujours les mêmes qui payent des cotisations et qui reçoivent des prestations.

Quoi qu'il en soit, on peut difficilement attribuer aux salariés la persistance d'un taux d'inflation élevé en France, après trois ans de potion Barre, sauf que, par le jeu des mécanismes d'échelle mobile qui relient étroitement l'évolution des prix et celle des salaires, toute décélération est nécessairement plus lente qu'ailleurs. En outre, la France souffre de certaines rigidités structurelles (dans le domaine bancaire et dans celui de la distribution, par exemple) qui atténuent les effets des politiques de lutte contre l'inflation. Enfin, le gouvernement Barre lui-même a voulu, par la libération des prix industriels en 1978, puis par celle des marges commerciales en 1980, permettre aux entreprises de reconstituer leurs profits afin de les rendre moins fragiles et de leur donner les moyens de financer de nouveaux investissements.

Modération

Les résultats financiers des entreprises en 1979 (et même encore en 1980) devaient confirmer que cet objectif avait été atteint. Cela se mesure d'ailleurs dans la reprise des investissements des entreprises. Ceux-ci devaient augmenter de 4 % en 1980 d'après les estimations faites au mois de mai. Ils seraient, ainsi, avec les exportations, le principal moteur de la croissance économique en 1980, alors que le moteur de la consommation se ralentit et que ceux du logement et des dépenses administratives restent faibles.

En matière de consommation, l'écart observé en 1979 entre l'évolution du pouvoir d'achat des Français et celle de leurs achats dans les magasins (les seconds étant paradoxalement plus élevés que le premier) s'explique par le recours aux réserves d'épargne, comme dans la plupart des pays riches. Le taux d'épargne des particuliers (rapport entre l'épargne totale, y compris les achats de logement, et le revenu disponible) est passé ainsi de 17,8 % en 1977 à 16,7 % en 1978 et 15,5 % en 1979. Cela ne pouvait pas durer très longtemps. Aussi, dès le printemps 1980, on a vu les achats stagner, et même diminuer, par exemple dans l'automobile : les achats de produits industriels ont baissé de 4 % entre la fin de l'hiver et la fin du printemps 80.

Du côté des administrations, la tendance des dépenses a été, elle aussi, marquée par une modération. La France se distingue, parmi les grandes nations industrielles, par le caractère très limité de son déficit public. Selon les statistiques de l'OCDE, ce déficit a représenté (en % de la production nationale), en France : 0,5 % en 1976, 0,8 % en 1977, 1,8 % en 1978, 0,8 % en 1979 et 1,1 % en 1980. Or, si l'on prend la dernière année connue avec précision, c'est-à-dire l'année 1979, une comparaison internationale donne les résultats suivants :