Dossier

Le jeu est devenu une industrie en pleine expansion

Connu et pratiqué depuis la nuit des temps dans toutes les sociétés humaines, rien n'est plus sérieux que le jeu. Au cours des siècles, l'évolution technique n'a pas eu de prise sur lui. On continue toujours à jouer. Le jeu est même parvenu aujourd'hui à devenir une industrie — l'industrie du rêve —, une activité en pleine expansion. Les Français, par exemple, lui consacrent une part de plus en plus importante de leur budget tout court et de leur budget temps.

La liste des jeux est longue ; relevons, pêle-mêle, le Loto, les courses, la Loterie nationale, les jeux télévisés — aux innombrables variétés —, les mots croisés (dont la formule initiale ne cesse de se sophistiquer), les jeux de société qui, dans le sillage du Monopoly, se multiplient et enfin les jeux électroniques qui, pour en être à leurs débuts, n'en commencent pas moins à prendre une place de plus en plus importante. Qu'ils appâtent par l'éternel désir de la fortune ou qu'ils offrent simplement un divertissement, tous ces jeux mêlent, combinent et interpénètrent, dans des synthèses parfois subtiles, le hasard, la logique, l'adresse et la connaissance.

Depuis quelques années, la presse a ouvert ses colonnes à cette évasion que constituent les jeux : les sept erreurs, les labyrinthes, les palindromes ont conquis une audience plus grande que les rubriques spécialisées consacrées au bridge, aux échecs et, plus récemment, au Scrabble. Au mois d'août 1973, l'hebdomadaire le Point tente une expérience : recourir aux jeux comme un véritable élément de promotion. Répondant à une attente du public, en quelques semaines, il gagne son pari : la diffusion du mois d'août, traditionnellement en baisse dans la presse, est supérieure à celle des mois précédents. Depuis, pratiquement tous les journaux ont repris cette idée — que ce soit pendant les vacances ou à travers des suppléments hebdomadaires réguliers — et la profession de ludographe est en passe de devenir une branche du métier de journaliste.

Mais, en s'adressant surtout à des cadres, le jeu s'est intellectualisé. Les réponses à des tests d'apparence simple mais mettant en jeu divers mécanismes — connaissance, esprit d'observation, subtilité... — permettent à chaque lecteur-joueur de déterminer son quotient intellectuel.

L'intellectualisation des mots croisés était prévisible. Scipion, Guy Brouty, Georges Pérec et quelques autres spécialistes avaient déjà entrepris un véritable dépoussiérage. Des formules nouvelles, comme les mots fléchés, étaient apparues. Le succès des mots croisés ne s'est jamais démenti.

Radio et télévision

Depuis les années 50, une maison d'édition s'est spécialisée dans la publication de revues consacrées au sport cérébral. Aujourd'hui, des presses des éditions Keesing — qui emploient 150 personnes — sortent chaque mois 1 100 000 exemplaires de revues s'adressant aux cruciverbistes.

Un autre secteur relevant des médias connaît une expansion considérable : les jeux diffusés par les stations de radio et les chaînes de télévision. Europe 1 et RTL consacrent plus de deux heures aux jeux, chaque jour. Ce temps d'antenne important a nécessité l'adoption d'une véritable politique : ici, on retient surtout le principe de l'observation, les connaissances et le hasard ne jouant qu'un rôle minimal ; là, c'est exactement le contraire. Les lots proposés aux candidats ont considérablement augmenté avec l'audience des émissions.

Ces jeux ont une importance d'autant plus grande que la concurrence entre les stations de radio est vive pour obtenir un maximum d'écoute. C'est là un impératif publicitaire qui se reflète dans les prix des flashes : alors que 30 secondes ne coûtent que 500 F entre 23 h et 24 h, ce prix est de 13 600 F entre 12 h et 13 h.

Les jeux peuvent mordre sur l'information : lorsque FR3 a lancé ses Jeux de 20 h, le taux d'écoute a baissé dans de notables proportions pour les journaux des deux autres chaînes. Aux jeux de la politique, une frange du public montrait sa préférence pour les jeux tout court.