Matières premières

Des marchés nerveux malgré une économie mondiale atone

L'année 1977 n'a pas connu les excès, caricaturaux, enregistrés en 1976 sur de nombreux marchés. Mais l'allure générale est demeurée chaotique, la spéculation amplifiant les moindres rumeurs beaucoup plus que ne l'aurait normalement permis une conjoncture économique mondiale terne. Seuls les métaux précieux ont suivi une pente régulière, ascendante, motivée par des achats constants de la part du Moyen-Orient et du Sud-Est asiatique, tandis que l'offre s'essoufflait. Dans un secteur voisin, la société de Beers multipliait, début 1978, les mises en garde au public contre une hausse aberrante des cours du diamant qui semblait lui échapper. Quant à l'or, il n'a cessé de bénéficier d'incitations à la hausse : pressions inflationnistes toujours fortes, faiblesse du dollar, incertitudes politiques dans plusieurs pays, tensions sporadiques au Proche-Orient.

Dents de scie

Après avoir atteint des niveaux record pendant l'hiver 1976-1977, le café et le cacao ont retrouvé des récoltes plus normales et les cours ont baissé de plus de moitié. Baisse sans doute excessive également et provoquée par les réactions toujours décalées du consommateur, notamment nord-américain. La demande n'avait fléchi qu'avec retard lors de l'envolée des prix et un délai a de nouveau été constaté entre le repli des cours et la reprise de la consommation, tant de café que de cacao. À la fin de l'hiver 1977-1978, le cacao s'était redressé à plus de 2 000 livres la tonne, et le café épousait les dents de scie classiques dessinées par les perspectives de récoltes brésiliennes et par les difficultés de mettre au point un mécanisme régulateur international.

Malgré les efforts des pays concernés, les stocks de sucre n'ont cessé de s'accroître et les excédents à la fin de la saison 1977-1978 étaient évalués à plus de 5 millions de tonnes, niveau le plus élevé depuis un quart de siècle.

Dans de telles conditions, l'espoir de stabiliser les cours dans une fourchette adoptée par la communauté internationale n'a pu résister aux besoins locaux de réduire des stocks encombrants et onéreux : des rabais de l'ordre de 30 %, par rapport au seuil officiel de 11 cents par livre, sont devenus fréquents.

Les céréales panifiables se négociant sur un marché largement dominé par l'irrégularité des récoltes soviétiques, et celles-ci ayant été excellentes en 1977, les cours ont fléchi puis se sont relevés au printemps 1978 (303 cents le boisseau, fin mars) dans l'hypothèse d'une influence climatique négative. Également faible, le coton souffre du marasme des textiles dans plusieurs pays, mais il présente la particularité d'une pénurie de fibres de qualité supérieure.

Submergé par un stock de 3 millions de tonnes, le marché du cuivre affichait, fin 1977, des cours inférieurs aux coûts de production de la plupart des usines et la profession sombrait dans un certain pessimisme : sauf relèvement sensible du taux de croissance des économies occidentales, l'assainissement ne surviendrait pas avant 1981-1982. Les sociétés minières américaines réclamaient avec insistance l'application de mesures protectionnistes, mais le sentiment prévalait que tous les États producteurs devraient réduire l'extraction du minerai en 1978 afin de parvenir au seuil de rentabilité minimale.

Même situation pour le zinc dont la consommation mondiale n'a progressé que de 1,4 % au lieu des 7 % prévus en 1977 et dont la performance 1978 ne sera pas meilleure.

Les chiffres retenus pour les graphiques proviennent des statistiques établies par l'Union des banques suisses :

Spéculation

En revanche, le marché de l'étain est demeuré hautement spéculatif, la pénurie relative de métal étant contrôlée avec soin par les rares États producteurs. Le gouvernement américain s'en est d'ailleurs ému et envisageait, début 1978, d'amputer ses stocks stratégiques de 45 000 tonnes afin de soulager le marché. Cette éventualité a suscité aussitôt une vive protestation de la part de la Bolivie, qui ne manqua pas d'évoquer les difficultés qui s'ensuivraient pour les pays en voie de développement où se trouvent les mines d'étain. Argument que les États-Unis s'apprêtaient à contester en étudiant la possibilité de constituer une réserve stratégique de cuivre, opération destinée à venir en aide aux producteurs gambiens et chiliens : les ventes d'étain devaient payer les achats de cuivre.