Consommation

La protection du consommateur au point mort

La France n'a plus de ministre de la Consommation dans le 3e gouvernement Barre du 3 avril 1978. Il est vrai qu'il ne s'agissait que d'un secrétariat d'État, un peu artificiellement rattaché au ministère de l'Économie et des Finances. Ceux qui avaient espéré que ce strapontin ministériel se transformerait un jour en un vrai ministère rassemblant tous les services qui, à l'Agriculture, à la Santé, à l'Industrie, aux Finances, etc., s'intéressent de près ou de loin à la consommation ont été déçus.

Le personnel de la répression des fraudes et du contrôle de la qualité, en place depuis 70 ans au ministère de l'Agriculture, avait, dans un livre blanc rendu public en février 1978, souhaité son rattachement à un tel ministère qui correspondrait mieux à sa vocation interministérielle.

Bilan

L'action de Christiane Scrivener, secrétaire d'État durant deux ans et trois ministères successifs, n'a pas été négligeable : lois sur la protection et l'information des consommateurs, sur le crédit à la consommation, sur la concentration économique et les ententes, la liste est longue des textes élaborés par ce ministère éphémère. Il reste, sur le bureau du Sénat, un projet de loi sur le crédit au logement (90 % de l'endettement des ménages) qui doit assurer à ceux qui ont recours à des prêts pour l'acquisition d'un logement ou d'une maison une protection comparable à celle en vigueur pour des biens moins durables : on ignore encore qui défendra ce projet de loi au Parlement au nom du gouvernement, ni même quand il viendra en discussion.

D'autres initiatives ont ponctué le passage de Christiane Scrivener rue de Rivoli : en novembre 1977, l'expérience des boîtes postales 5 000 (Journal de l'année 1976-77), qui centralisent dans chaque chef-lieu de département plaintes et demandes de renseignements des particuliers, a été généralisée, ainsi que le système des Commissions départementales de conciliation destinées à régler à l'amiable les petits litiges. De plus, une Commission des clauses abusives et quelques décrets permettent d'entamer une procédure pour que bien des contrats cessent d'être léonins.

Avenir

La disparition de ce ministère soulève bien des craintes. Tout d'abord, celle que les lois adoptées soient peu ou mal appliquées, tant le suivi d'un texte est important pour qu'il ne tombe pas, à peine né, en désuétude. Crainte aussi que l'INC, loin de devenir un meilleur outil technique au service des organisations de consommateurs, ne se voie investi d'une tâche de plus en plus politique.

L'INC, qui a fêté avec faste, le 18 janvier 1978, son dixième anniversaire en présence du chef de l'État, a, peu après, perdu son directeur, Henry Estingoy, qui a démissionné de ses fonctions. Son successeur, Pierre Fauchon, est nommé le 9 juin.

Quant aux organisations de consommateurs, elles n'ont pas, au fil du temps, opéré la percée à laquelle on pouvait s'attendre. Certes, il leur arrive de remporter des victoires : Que choisir ? a gagné le procès que lui avaient intenté les sociétés de commercialisation de vin en raison d'articles plus que sévères sur l'utilisation de filtres à l'amiante. Certes, les associations locales, qui manquent cruellement de moyens, continuent de remplir, avec patience et obstination, leur mission d'information, de formation et de défense des consommateurs. Mais elles sont concurrencées par les associations de défense de l'environnement, qui attirent souvent des militants plus jeunes et plus actifs. La frontière entre les deux motivations est difficile à tracer. Il arrive aux défenseurs de la nature de s'intéresser à la consommation, et, de plus en plus souvent, les revues de consommation abordent des thèmes comme le nucléaire ou la pollution.

L'Union fédérale des consommateurs, qui édite la revue Que choisir ?, n'a-t-elle pas été condamnée en référé sur plainte de Shell-France, par le tribunal civil de Paris, pour avoir appelé au boycottage des produits Shell, à la suite du naufrage de l'Amoco-Cadiz ?.