Mode

Du veston à la dentelle, l'aurore d'un nouveau romantisme

Sans distinction d'opinion, d'âge ou de galbe, les femmes ont porté, cet hiver, le veston, masculin de carrure, parfois emprunté aux garçons — veste de velours renforcée de cuir ou paletot de chasse soigneusement patiné —, avec des pantalons étroits ou avec des jupes froncées, des kilts ; le carnier à l'épaule, la casquette sur l'oreille.

Pour la première fois, le jean a fléchi dans la faveur du public féminin, remplacé souvent par le pantalon de brousse à poches multiples ou par le pantalon droit, en flanelle, de style Saint-Laurent (taille étroite, affinée par une ceinture incrustée, un jeu de pinces, ou serrée dans une coulisse), jambes plus courtes, découvrant la cheville et les sandales hautes.

Aisance

Cette mode-là — de l'aisance, un rien d'arrogance —, on pouvait aussi l'acheter par correspondance, comme la jupe plissée, la canadienne, les bottillons courts à semelle compensée. La mode à domicile pèse de plus en plus lourd dans la sacoche du facteur : 1,5 kg en moyenne, plus de 800 pages de photos légendées en format 21 × 27... La vente par correspondance s'attache par des arguments solides (choix étendu, stabilité des prix) les élégantes et les raisonnables, sûres d'être « enchantées ou remboursées ». Le tirage de certains articles se compte par centaines de mille... Le premier des grands, la Redoute, a expédié 5 300 000 catalogues printemps-été, le second, les 3 Suisses (4 000 000), s'est assuré dès l'hiver une signature célèbre, celle de Sonia Rykiel. Mailles douces, coutures à l'envers, il en coûtait un peu moins de 850 F pour acquérir un vêtement unique en cinq éléments (jupe-culotte, pull-over, veste, bonnet, écharpe), étonnamment conforme à l'image de marque. 15 000 pièces ont été vendues — 40 % en noir —, soit 20 % de plus que les prévisions.

Fraîcheur

Le châle partout a fait carrière, chez les grands de la mode ou chez les gagne-petit. Noué en baudrier, drapé à la taille, en soie, en cachemire, tissé ou tricoté, ajoutant ici ou là l'ampleur et le relief, couvre-tout, comme les étoles et les plaids, assortis, aussi, à la jupe, au manteau...

Après les opulences du folklore au luxe asservi — brocarts, soies capitonnées, pelisses de renard ou de loup —, le printemps promet la fraîcheur des chintz imprimés, la transparence des crêpes finement travaillés. Dior montre des robes lingerie, à plis religieuse et jours échelle ; Féraud des collerettes piquées d'une rose, des robes paysages ; Ricci des boléros de dentelle, Scherrer des jabots à volants, Lapidus des blousons en broderie anglaise, Balmain des bandeaux fleuris, Courrège des cache-seins en mousseline brodée, Chanel des capes en plumes d'autruche... C'est peut-être l'aurore d'un nouveau romantisme, que décèle déjà outre-Atlantique l'hebdomadaire Times dans le retour de la dentelle, des longs jupons et d'une certaine galanterie.

Les stylistes

La mode, phénomène de société, signe de l'asservissement à l'ordre social, signe de la contestation, de la rébellion devient, au musée, sujet de conférence, discussion, spectacle. Au Centre Pompidou, les visiteurs ont vu Le vêtement épingle, mis en scène par le Centre de création industrielle. Des stylistes ont été invités à démontrer, à s'expliquer sur les choix et les méthodes qui déterminent le vêtement, produit de la consommation à nul autre pareil. Le palais Galliera, devenu, en 1977, musée de la mode et du costume, accueillera peut-être demain — après Trente années d'élégance et L'atelier Nadar et la mode — les œuvres des créateurs d'aujourd'hui.

Dominique Peclers

Le textile de A à Z, l'étude des fibres et des coloris, la préparation de collections, la prévision cernant leur usage, la coordination de la mode, c'est depuis longtemps l'activité de Dominique Peclers, venue au style quand peu de gens en percevaient la signification et le retentissement, après des études d'architecture et un diplôme de sciences politiques. Depuis 1970, elle crée : de la lingerie, des maillots de bain, des vêtements pour enfants, des tissus. Omniprésente, elle intervient dans la mode de la rue, dans la mode de la nuit, elle définit les tendances, oriente les choix, affiche ses couleurs.

Anne-Marie Beretta

Depuis ses 16 ans, Anne-Marie Beretta n'a jamais cessé de coudre et d'inventer Manteaux, vêtements de sport, robes du soir..., elle traite de main de maître la toile caoutchoutée, le lin, la bure et le mouton, avec rigueur ou en souplesse, comme il convient. À son palmarès, des noms célèbres dans la couture : Estérel, Castillo à Paris, Oleg Cassini à New York, et, dans le prêt-à-porter, Pierre d'Alby, Georges Edelman. Depuis 1974, Anne-Marie Beretta a pignon sur rue, derrière Saint-Sulpice. Après la patience est venue la notoriété, puis un succès foudroyant qui ouvre à son inspiration souveraine de nouveaux champs d'action.

Chantal Thomass

30 ans, un air de bonne humeur. Une vie professionnelle toute consacrée au chiffon et qui commence comme un ouvrage de dame Chantal Thomass a d'abord cousu pour son plaisir. Avec la même sérénité et une sorte d'obstination souriante, elle habille les autres de robes rondes à l'ampleur candide, avec des collerettes frissonnantes de Pierrot, des manches ailées. Elle choisit, pour séduire, les jerseys les plus doux, mohair, angora, cachemire, la fine flanelle, la vaille dentelle, dans des coloris, fondants... Deux magasins à Paris témoignent de la bonne santé d'une affaire sagement conduite.

Angelo Tarlazzi

Un douze ans, cet Italien de Rome et de Paris, ardent, imaginatif, a multiplié les aventures. Chez Patou avant New York, chez Patou après New York, et jusqu'en 1976, il n'a plus maintenant d'autre griffe que la sienne. On admire dans sa manière un talent rare à maîtriser le flou, à discipliner les langueurs du jersey, la nervosité de la soie. On lui doit cent idées sur l'art et la manière de s'habiller pour toujours : grands manteaux bulles, robes mouchoirs, taillées dans des carrés de crêpe de Chine, et des ponchos en mouvement, capes, tuniques, manteaux, le tout dans des couleurs vibrantes et belles, antidote de la morosité.

Mohanjeet

Les méandres d'une vie studieuse l'ont entraînée, à 18 ans, des rives du Gange aux rives de l'Hudson. Journaliste, fonctionnaire internationale à New York et à Vienne. Mohanjeet, après un retour aux sources, a changé de voie. Bien avant les expéditions hippies vers Katmandou, elle a mis la mode indienne au goût de l'Occident. Installée depuis 1962 à Saint-Germain-des-Prés, elle a donné à l'exotisme de fermes racines. Les lignes calmes et équilibrées de ses modèles en laine, en soie, en pur coton, constituent la synthèse heureuse de deux modes de vie, de deux mondes longtemps étrangers.

Jean-Pierre Soimaud

L'aisance aux entournures, la souplesse aux poignets bordés de tricot à côtes, le bruit familier du zip qui ferme en vitesse le blouson, les pressions qui cliquettent, les poches-crayons, le confort insouciant, les enfants le doivent à un homme qui les regarde vivre depuis dix ans. J.-P. Soimaud a d'abord habillé les pères. C'était en 1967. Puis Soimaud a transformé les fils.