À cette prise de conscience arrière correspondent, sur le plan de l'art, deux réactions opposées.

La première est une tentative désespérée pour retrouver la réalité : elle peut se traduire soit dans la saisie immédiate d'une forme naturelle, d'un objet, d'une trace, d'un matériau, véritable morceau de réalité, soit dans le retour – référentiel et révérentiel – aux objets traditionnels de l'art délimités et conservés selon des pratiques historiques et esthétiques éprouvées.

Simulacre

On peut ainsi trouver un point de départ commun à la luxuriance de Rubens et à la méticulosité de l'hyperréalisme. Mais, tandis que le tableau flamand renvoie à une réalité dont il signale, par son incarnation épicurienne et momentanée, la richesse infinie, le constat glacé de l'hyperréalisme absorbe toute réalité dans la grille d'un système de signes. La réalité hyperréaliste se moque de la réalité. Elle se suffit à elle-même. Elle n'est plus système de représentation, mais représentation d'un système. Poussée à ses ultimes conséquences, la logique de l'hyperréalisme doit conduire à l'abandon résolu du principe de réalité : l'œuvre n'est plus alors qu'un simulacre, un procédé de simulation, au sens cybernétique, de la vie, qui ne fait elle-même que se conformer aux modèles qui lui sont proposés. La reproduction affolée du réel est rigoureusement symétrique de l'anarchie de la production matérielle, l'économique et le culturel relevant désormais d'un même processus hallucinatoire.

La seconde attitude devant cet éclatement des systèmes de référence consiste non plus à reconnaître des formes à tout prix, mais à inventer des comportements, à prendre ses distances à l'égard aussi bien des voies intellectuelles de l'art que de ses voies technologiques. L'art retrouve alors une configuration existentielle, il redécouvre la figuration, le sujet, la subjectivité.

C'est ainsi que se dessinent aujourd'hui, dans la peinture en train de se faire, les traits, tantôt plus visionnaires, tantôt plus critiques, d'un nouveau romantisme.

Ventes

Le marché de l'art n'a pas été épargné par l'incertitude politique qui – avant les élections – a lourdement pesé sur l'ensemble de l'économie. Le chiffre d'affaires des commissaires-priseurs a tout de même progressé d'environ 15 % par rapport à l'année précédente. Faute de statistiques pour l'ensemble du commerce de l'art, il faut bien se contenter de cette référence au volume des ventes qui ont été enregistrées par la chambre des commissaires-priseurs de Paris, dont l'activité représente environ la moitié du volume des ventes aux enchères pour la France entière.

Lorsque les commissaires-priseurs parisiens ont fait leurs comptes, ils ont constaté que le produit des ventes – de janvier 1977 à janvier 1978 – atteignait le chiffre record de 603 520 136 F, contre 506 000 000 de F l'année précédente (et 498 000 000 pour 1975-1976). Une progression satisfaisante, estiment les maîtres-priseurs, qui sont persuadés que le maintien de la majorité au pouvoir stimulera encore les ventes et les achats de biens artistiques.

Mais il faut aussi comparer le volume d'affaires des commissaires-priseurs français à celui de leurs redoutables rivaux britanniques. La progression du chiffre d'affaires pour les deux grandes maisons de ventes londoniennes est beaucoup plus spectaculaire : 25 % pour Sotheby's – qui atteint un total de plus d'un milliard de F – et 37 % pour Christie's qui, ayant poussé son effort d'expansion à New York et à Genève, obtient un chiffre d'affaires global de 658 millions de F.

Il reste aux commissaires-priseurs français à convaincre le nouveau gouvernement pour que soient enfin prises les mesures nécessaires en vue d'une relance véritable du marché de l'art, notamment par un alignement des régimes fiscaux dans le cadre de la Communauté européenne.

Les commissaires-priseurs restent confiants dans l'avenir. Ils espèrent que le marché va reprendre un rythme plus régulier et plus soutenu, avec un apport de marchandise de qualité que, dans un climat d'incertitude, bien des amateurs préféraient conserver.

La collection von Hirsch

La vente de la succession du baron Robert von Hirsch (dessins, tableaux, émaux et ivoires du Moyen Âge notamment) a rapporté la somme fabuleuse de 155 688 000 F. Un triomphe pour Sotheby's. Le musée de Cleveland (USA) s'est rendu acquéreur d'un dessin de Rembrandt pour 1 352 000 F. Le musée de Berlin a donné 10 140 000 F pour un médaillon mosan, en émail champlevé du XIIe siècle attribué à l'orfèvre Godefroid de Claire. Parmi les records, entre autres : La nature morte à la dormeuse de Matisse a atteint 2 616 400 F et le Portrait de Paul Cézanne de Pissarro a été adjugé à un collectionneur américain 2 532 000 F. Un paysage à l'aquarelle de Durer, pour 5 408 000 F, est allé à un musée allemand dont le nom n'a pas été dévoilé.

Tableaux et dessins anciens

Dans le vaste choix offert aux amateurs d'œuvres anciennes – c'est-à-dire antérieures à Delacroix –, les plus belles enchères se sont portées de préférence sur les tableaux du XVIIe siècle, français, flamands, hollandais et italiens. Les dessins – encore sous-estimés – sont néanmoins en hausse sensible.