Architecture

Les murs tristes, avec plus ou moins de bonheur, sont devenus d'immenses cimaises

La couleur envahit les murs. Traditionnellement présentes dans les villes d'Allemagne, d'Italie ou dans les villages du Mexique, les couleurs violentes ou pastels se sont imposées, en quelques années, dans les mornes cités HLM ou sur les bâtiments ingrats, usines et entrepôts, des grandes villes. Une aubaine pour certains architectes qui donnent à la recherche d'un habillage aimable le soin qu'ils n'ont pu consacrer à la plastique du bâtiment... Céramique ou peinture, béton teinté dans la masse, les techniques sont variées. Du simple dégradé harmonique dans les couleurs de la terre ou du ciel, aux compositions plus agressives (chevrons, rayures, figures abstraites), les coloristes pratiquent plusieurs registres.

Plus spectaculaire encore est le renouveau du mur peint. Plus ou moins spontanément aux États-Unis, au Canada ou ailleurs, les artistes se sont emparés de ces cimaises sauvages. Récupérée par le commerce et les bâtisseurs de grands ensembles, la multiplication de cette pratique est devenue, dans les grandes cités ou sur les usines, une sorte de nouvel art officiel.

À la recherche de la qualité et de l'harmonie

Si les architectes se plaignent de construire trop peu, l'architecture parlée se porte bien. Après plusieurs interventions publiques à propos du cadre de vie, de la définition d'un urbanisme à la française fait de « mesure et d'harmonie » (le 18 juillet à Orléans), Valéry Giscard d'Estaing prononce, le 20 octobre 1977 à Paris, une adresse aux architectes à l'occasion d'un symposium organisé par l'Académie d'architecture. Le chef de l'État exprime ainsi sa volonté de favoriser un renouveau de cet art et son souci de « réconcilier les Français avec l'architecture ».

Au-delà de l'organisation d'une profession en perte de vitesse et de la définition d'une politique de l'architecture (réforme de l'enseignement, de la commande publique, formation et sensibilisation du public), on devine le désir du président de créer les conditions de l'éclosion d'un style français. L'ambition n'est pas mince et le souci est nouveau pour un chef d'État. Georges Pompidou avait, on le sait, un goût personnel pour l'art et l'architecture – le style fonctionnel et moderniste des grandes tours de bureaux n'était pas pour lui déplaire même si, par ailleurs, le résultat du concours du centre Beaubourg le séduisait beaucoup moins. Le général de Gaulle avait laissé son ministre des Affaires culturelles, André Malraux, encourager la construction à Paris des tours de la faculté des sciences et de Maine-Montparnasse, « oriflammes » des temps nouveaux. Mais ni l'un ni l'autre n'avaient entrepris de réformer en profondeur la manière de bâtir et de rendre à des architectes mieux préparés à cette tâche la place qui est la leur dans les pays voisins.

Mission

Définissant, le 20 octobre, la « nouvelle architecture française » comme une « architecture de raison », un « art de la cité », Valéry Giscard d'Estaing déclare : « Il y aura une politique de l'architecture que nous sommes décidés à mener. Mais il n'y aura pas d'architecture officielle. L'architecture est diversité. L'architecture est liberté. L'architecture est démocratie. »

Évoquant la « crise de l'architecture » depuis les années 50, qui « ne doit pas éclipser l'effort immense de construction qui a permis en moins de trente ans de loger 24 millions de Français », le chef de l'État estime que les Français « après avoir été logés souhaitent être mieux logés... ». La mission et les moyens des architectes doivent considérablement s'élargir, estime Valéry Giscard d'Estaing, qui invite ceux-ci à jouer un rôle accru auprès des collectivités locales et annonce l'ouverture de la commande publique aux jeunes tout en rappelant que la loi du 3 janvier 1977 a institué le principe de l'intervention obligatoire de l'architecte et que celui-ci a « vocation à intervenir sur toutes les constructions, apportant sa sensibilité, ses compétences, sa vision de l'espace ».