En d'autres termes, l'Abuna Theophilos, coupable ou non, reste pour elle canoniquement le seul patriarche légal de l'Église orthodoxe éthiopienne.

La situation s'est compliquée par le fait que, le 19 février 1976, le gouvernement éthiopien, après avoir déposé l'Abuna Theophilos, avait aussitôt nommé un conseil provisoire pour les affaires courantes de l'Église, ainsi qu'un patriarche par intérim, et décrété qu'un nouveau patriarche devait être élu avant le 7 juillet 1976 : quatre décisions qui, canoniquement, sont du ressort de l'Église et d'elle seule. C'est ce que stipule clairement l'accord signé le 1er septembre 1959 par lequel l'Église copte d'Égypte accordait l'autocéphalie (l'indépendance complète) à l'Église d'Éthiopie.

Musulmans

Sans tenir compte que l'islam est à la fois religion et culture, une analyse superficielle amènerait à conclure que l'année écoulée n'a pas été marquée de faits saillants. Mais, comme les années passées, une recherche plus globale permet de saisir certaines nouveautés dans le sillage desquelles se dessinent à la fois une volonté de dialogue avec l'autre et, simultanément, une volonté de se démarquer de lui.

Dialogue islamo-chrétien

C'est dans un esprit de dialogue pour une plus grande compréhension que le programme catholique de TF1, le Jour du Seigneur, consacre, durant le mois de ramadan (mois de jeûne chez les musulmans, qui a commencé cette année le 22 août) deux émissions au dialogue islamo-chrétien. La première, intitulée Écouter l'islam, donne la parole à un musulman, Mohammed Talbi, historien professeur à la faculté de lettres de l'université de Tunis. Dans la seconde émission, intitulée Comprendre l'islam, le père Robert Caspar, Père blanc, qui vit à Mahdia, petit port tunisien, se fait l'écho des paroles de M. Talbi.

Après avoir stigmatisé une certaine tradition chrétienne qui ne voit en Mohammed qu'un « faux prophète », voire un « suppôt de Satan » (« ce qui est faux, dit-il, car le prophétisme n'est pas mort avec Jésus-Christ ») et reconnu une « impulsion divine » dans le Coran, le père Caspar fait un rapprochement entre la mystique musulmane et la mystique chrétienne : « Je n'ai rien à apporter aux musulmans, avoue-t-il, et je crois même que l'islam a quelque chose à dire au monde et aux chrétiens. Il y a une façon musulmane très belle de construire le Royaume de Dieu. »

De multiples événements (rencontres et sessions) s'inscrivant dans le même esprit se sont produits tout au long de l'année ; en voici les principaux :
– Une importante session, animée par le père Michel Lelong, du Secrétariat des chrétiens pour l'islam auprès du Vatican, réunit, au mois d'août 1976, environ 120 participants, dont l'évêque du Niger, plusieurs prêtres, religieuses, enseignants chrétiens et musulmans. Le thème ? Une réflexion sur la prière dans la religion islamique et dans la religion chrétienne.
Les veillées de cette session ont permis d'étudier les problèmes posés par les mariages mixtes, la situation des travailleurs immigrés, etc., après que des carrefours eurent témoigné de l'intérêt (et, le plus souvent, de la découverte), par les auditeurs chrétiens, des véritables dimensions de la foi musulmane.
Mais le sommet de ces journées a été, sans doute, l'heure quotidienne de lectures du Coran, de l'Évangile, des Psaumes, des textes mystiques islamiques, à laquelle assistaient tous les chrétiens et les musulmans, unis, durant les intervalles, dans une prière commune silencieuse.
– Dans une attitude de refus du syncrétisme autant que de l'esprit de croisade, les messages de sympathie entre chrétiens et musulmans s'échangent : c'est ce que fait l'Église catholique de France, en septembre 1976, à l'occasion de la fête musulmane El Fitr. De même qu'une prière solennelle, en cette occasion, a lieu à la mosquée de Paris.
– Dans le cadre des rencontres organisées par le groupe Église-Islam de la Confédération protestante de France, Roger Arnaldez, professeur de philosophie musulmane et d'islamologie à la Sorbonne, donne une conférence sur la spiritualité musulmane. Le professeur Ali Merad (musulman) présente lui la vision coranique du Christ.
– Le dialogue n'est pas moins recherché dans les publications. Nombre de périodiques présentent à leurs lecteurs comme une nouvelle approche de l'islam. Concilium, revue chrétienne internationale, consacre entièrement son 116e numéro au dialogue islamo-chrétien.
– Cette volonté de rencontre se manifeste aussi par des réalisations importantes sur le plan du symbole : c'est ainsi que les quarante-cinq mille musulmans (Nord-Africains et Turcs) qui résident en Alsace disposent dorénavant d'une mosquée à Saint-Louis, inaugurée le 17 septembre 1976, en présence de Gabriel Gilly, préfet du Haut-Rhin, et de Mgr L.A. Elchinger, évêque de Strasbourg. De même, une mosquée est inaugurée le 2 octobre à Laval (Mayenne), sous la présidence de André Pinçon, maire de la ville.