Le passage de Michel Guy à Françoise Giroud puis de Françoise Giroud à Michel d'Ornano a secoué les milieux officiels de la culture et singulièrement ralenti toutes les décisions en matière de vie musicale. C'est ainsi que la réforme de l'enseignement de la musique dans les conservatoires et écoles spécialisées, réforme à laquelle Françoise Giroud comptait consacrer l'essentiel du budget supplémentaire qu'elle avait obtenu du gouvernement, se trouve gelée par son successeur, ce qui permet aux adversaires du projet de s'organiser en attendant.

La direction de la Musique au ministère de la Culture voit donc la plupart de ses initiatives différées d'un ministre à l'autre, et d'autant que l'attentisme semble de rigueur en période pré-électorale. La seule mesure prise par Michel d'Ornano aura été en faveur de la création musicale, par l'institution de bourses de recherche et de travail au bénéfice des compositeurs et par quelques aides peu substantielles accordées à l'édition des partitions et des disques de musique nouvelle.

Dans l'ensemble, la vie musicale du pays se développe plus vite que n'évoluent ses structures. L'année aura été marquée par de très nombreux rassemblements de musiciens, professionnels ou amateurs, dans de grandes fêtes de la musique qui tendent de plus en plus a faire apparaître au grand jour la préoccupation et l'action musicales des populations. Suscités, au départ, par Radio-France, ces rassemblements sont aujourd'hui orchestrés par les délégués régionaux de la musique, qui se soucient moins de faire descendre la « musique dans la rue » que de faire le bilan du potentiel musical de chaque région, en redonnant confiance à tous les amateurs, à tous les oubliés, voire à tous les marginaux de l'art, que le commerce ou la planification officielle de la culture avaient isolés. À l'heure où l'invention piétine et où la création musicale traverse l'une de ses crises les plus graves depuis longtemps, un grand espoir vient de ce côté-là.

Le centenaire du disque

Charles Cros, le poète rêveur qui, le 16 avril 1877, décrivait en trois pages un extraordinaire Procédé d'enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l'ouïe, aurait-il pu seulement rêver les chiffres qui sont aujourd'hui ceux du commerce et de l'industrie du disque ? Plus de la moitié des foyers français possèdent un électrophone ou une chaîne et 25 % un magnétophone à cassettes ou à bobines. Les ventes de matériel ont augmenté de 40 % par rapport à 1974. Plus de 130 millions de disques ont été écoulés en France en 1976 (contre 60 millions en 1970), à quoi il faut ajouter encore quelque 10 millions de cassettes, cartouches et bandes préenregistrées, le tout fabriqué par plus de 200 sociétés de production qui alimentent 20 000 points de vente dans le pays, pour un chiffre d'affaires global qui dépasse les deux milliards de F et fait vivre 200 000 professionnels. Il suffit de savoir que les chaînes de grands magasins réalisent à elles seules de 35 à 40 % de tout le marché des disques et cassettes et que 500 000 exemplaires du dernier 33 tours de Georges Brassens ont été achetés en un mois pour juger l'ampleur vraiment sociale du phénomène et ses retombées économiques. Une enquête récente révèle que, dans l'usage que les Français font de leurs loisirs, l'écoute de la musique enregistrée passe avant la lecture, le bricolage et même l'automobile.

Danse

L'essor de « nouveaux langages »

La danse est actuellement en plein essor. Un mouvement irrésistible et désordonné, amorcé depuis cinq ou six ans, s'étend à travers la France comme un feu de brousse. On peut dire que la danse échappe au genre structuré du ballet pour participer, comme les autres arts, à la recherche de moyens d'expressions nouveaux en résonance avec l'époque.

Ce n'est pas un hasard si Jacques Lang, après douze années, ouvre le Festival mondial de Nancy au Théâtre dansé. Aussi l'événement de la saison en la matière n'est-il pas la venue du Bolchoï à Paris, mais plutôt Einstein on the beach de Bob Wilson, faisant prendre conscience à un large public d'une nouvelle mesure du temps et de l'espace ; c'est This, That, The Other de Carolyn Carlson et du groupe de recherches de l'Opéra, qui met en scène tout un univers onirique dans un montage par séquences emprunté au cinéma ; c'est encore Les sept péchés capitaux de Pina Bausch, résurgence puissante et féministe de l'expressionnisme allemand.

Éclatement

Le vieux rêve de théâtre total, cher à Maurice Béjart, reprend avec une nouvelle vigueur ; mais cette fois c'est l'éclatement, la remise en question, les balbutiements d'un nouveau langage. Un même flux intérieur alimente le geste, la voix ; quelque chose de profond, d'originel, existe sous les clichés et les stéréotypes. Pour retrouver l'homme fondamental, on recommence à zéro, par la respiration.