Budget

Une volonté évidente de rééquilibre

La crise économique a creusé un déficit sans précédent dans le budget de l'État. Le trou d'abord subi a encore été approfondi par la politique visant à stopper la récession. Mais, en 1976, les premiers dividendes de la reprise de l'activité ont permis de réduire le déficit.

Le gouffre qui s'est ouvert en 1975 dans les finances publiques de la France n'est pas un phénomène propre à notre pays. C'est un contrecoup de la crise pétrolière. En 1974, les pays occidentaux ont été précipités dans le déficit extérieur. En 1975, ils ont roulé dans le déficit budgétaire. Ceci a compensé cela. Pour faire face au prélèvement pétrolier, les particuliers ont dû réduire leur consommation, et les entreprises leurs investissements ; la chute des importations a permis de payer la facture pétrolière. Mais il fallait enrayer la baisse cumulative de l'activité et des revenus (qui accentuait un retournement cyclique auquel les conjonctures n'auraient de toute façon pas échappé).

C'est la demande de l'État qui s'en est chargée : des programmes de grands travaux, des aides aux entreprises, des allocations sociales, des allégements d'impôts sont venus ranimer les économies défaillantes. Mais ces dépenses supplémentaires et ces pertes de recettes volontaires se sont cumulées avec les moins-values fiscales imposées par le déclin des affaires : elles ont fait basculer les budgets publics dans des déficits d'une ampleur sans précédent. Ceux-ci sont estimés (pour les six plus grands pays industrialisés) à 190 milliards de dollars, soit plus de 4 fois l'excédent des paiements courants des pays exportateurs de pétrole !

Relance

La surcorrection apparaît aussi dans le fait que ces déficits représentent en moyenne 7 % du PNB des grands pays, alors que la chute de la production n'a été que de 3 % environ.

En France, toutefois, la proportion est moitié moindre, équivalente à la baisse du PNB en 1975 (– 3 %). La loi de finances pour 1975 n'en avait pas moins été votée en équilibre (avec un excédent symbolique de 27 millions de F). Il faut dire qu'elle s'inscrivait encore dans la logique du plan de refroidissement de juin 1974 : désinflation et rééquilibre du commerce extérieur. « Notre budget est construit sur l'hypothèse d'une décélération de l'inflation... » précise le ministre des Finances, Jean-Pierre Fourcade, en septembre 1974, ajoutant : « Ainsi que sur celle d'une reprise de la croissance à l'étranger. » Hélas ! La crise généralisée, le déstockage universel vont faire chuter partout la production et les importations, et donc les exportations, altérant complètement l'environnement international de la France.

Le gouvernement est alors passé progressivement du refroidissement au soutien, puis à la franche relance de l'économie. Le budget en porte la marque. En février 1975, le président de la République annonce lui-même aux agriculteurs, aux personnes âgées et aux familles qu'ils vont se partager 3,6 milliards de F. Puis, en mars, le ministre des Finances fait adopter six mesures pour soutenir le bâtiment et l'investissement. En avril, 15,5 milliards sont à nouveau réinjectés au profit de l'investissement productif, tant public (entreprises nationalisées, téléphone) que privé (déduction fiscale de 10 % jusqu'à la fin de l'année, bonifications d'intérêt). Enfin, en septembre 1976, pour atténuer le gonflement du chômage à la rentrée, 30,5 milliards sont cette fois remis dans le circuit, principalement pour les équipements publics, les entreprises privées bénéficiant en outre d'un report d'impôt de 9,6 milliards et les particuliers recevant 5 milliards.

Quatre collectifs successifs (mai, juin, septembre et décembre) ont intégré ces différentes mesures à la loi de finances initiale, aboutissant à une loi rectifiée sensiblement différente : l'excédent symbolique a fait place à un déficit dépassant 45 milliards de F ! On voit que ce sont surtout les dépenses d'équipement qui ont augmenté en cours d'année : de plus d'un tiers pour les dépenses civiles, de 150 % pour les crédits du FDES. On ne peut s'empêcher de penser à l'intention qu'avait manifestée Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des Finances, de faire inscrire la règle de l'équilibre budgétaire dans la Constitution.