Il est important de signaler que Mgr Moeller, principal représentant du Vatican à Nairobi, précisa devant 700 journalistes que l'Église romaine désirait entrer au COE, mais que, pour préparer les mentalités catholiques, Rome souhaitait vivement d'abord le plus grand nombre de conseils chrétiens nationaux où l'Église catholique siégerait.

Rappelons que l'Église catholique est déjà membre à part entière de la plus importante commission du COE, la commission théologique Foi et Constitution, et que c'est le père jésuite américain John A. Lucal qui vient d'être nommé, par le Vatican et le COE, secrétaire général de la Commission sociale SODEPAX (pour la Société, le Développement et la Paix).

Sans oublier les ouvertures toutes nouvelles sur les autres religions, l'œcuménisme élargi aura singulièrement avancé en profondeur. Plus le monde devient inquiétant, plus les croyants et les hommes de bonne volonté se seront rassemblés.

Israélites

Deux événements de caractère international marquent profondément la vie des communautés juives dans le monde : la condamnation du sionisme par l'ONU puis l'UNESCO, en décembre 1975 ; la réunion à Bruxelles, du 17 au 19 février 1976, de la seconde conférence mondiale des communautés juives pour les juifs d'URSS.

Sionisme

L'assimilation du sionisme au racisme, dans une résolution votée par l'Assemblée générale de l'ONU à laquelle la plupart des pays occidentaux ont refusé de s'associer, est ressentie par les juifs du monde entier comme un insupportable camouflet. Durant plusieurs semaines, ils procèdent à une véritable mobilisation générale pour protester contre une affirmation qui, dans la conscience juive, dépasse le cadre du conflit israélo-arabe. Indépendamment des souvenirs tragiques liés au génocide nazi, que le terme de racisme évoque dans la mémoire de nombreux juifs, tous s'accordent à voir dans cette accusation une résurgence des pires stéréotypes de l'antisémitisme.

L'action des communautés juives mobilise autour d'elles un fort courant de sympathie et suscite de nombreuses déclarations d'intellectuels de toutes tendances. Les autres communautés religieuses s'y associent. En France, un communiqué commun du Bureau d'information de l'épiscopat français et du Bureau d'information protestant, signé par Mgr Roger Etchegaray, président de la Conférence épiscopale, et par le pasteur Jean Courvoisier, président de la Fédération protestante de France, déclare : « Taxer, sans autre considération, le sionisme de racisme, c'est reprendre un langage qui a été la source de maux incalculables pour les juifs à travers le monde ; c'est poser un acte contraire à la paix et raviver un antisémitisme toujours latent. »

Leitmotiv

« Laisse partir mon peuple » (Let my people go) : cette injonction, jadis adressée par Moïse au Pharaon pour exiger la libération des Hébreux, a inspiré un célèbre negro spiritual. Elle est devenue, surtout depuis dix ans, le leitmotiv incessamment répété par les communautés juives dans leur action en faveur des juifs d'URSS. Il s'agit toujours d'obtenir, d'une part, le libre droit à l'émigration pour ceux qui désirent quitter l'Union soviétique, et dont le nombre est difficile à évaluer ; d'autre part, de mettre un terme au lent étranglement de la culture et de la religion juives en URSS.

Les cortèges de brimades, de procès intentés à des savants, d'arrestations, d'internements dans les camps ou des hôpitaux psychiatriques se succèdent. Les contestataires juifs d'URSS, les refusniks, demeurent toujours au premier plan des dissidents. Trois faits nouveaux sont intervenus. D'abord, l'invitation adressée par le gouvernement soviétique au grand rabbin de Grande-Bretagne. Jacubovitz. C'est la première fois depuis longtemps qu'une personnalité religieuse juive est conviée à rendre visite aux communautés juives d'URSS pour lesquelles les besoins en écoles, livres de prières ou d'étude, rabbins et professeurs demeurent une préoccupation permanente. Ensuite, la semaine de solidarité organisée par la communauté juive de France en septembre 1975. Elle est couronnée par une longue marche dans Paris ; un cortège, à la tête duquel se trouvent les dirigeants juifs de France et de nombreuses personnalités politiques et religieuses, allant solennellement déposer une motion à l'Hôtel de Ville. Enfin, l'événement marquant de cette année restera la Conférence mondiale de Bruxelles, intitulée Bruxelles II, la première conférence s'étant déjà tenue dans la capitale belge, le 23 février 1971 (Journal de l'année 1970-1971). Présidée par Golda Meir, la conférence réunit 1 600 délégués venus de 34 pays, dont un certain nombre d'ecclésiastiques. Avant l'ouverture de la conférence, une vigoureuse polémique est engagée par le gouvernement soviétique, qui a vainement fait pression sur le gouvernement belge pour la faire interdire. Parmi les nombreux hommes politiques qui se sont rendus à Bruxelles pour faire acte de solidarité avec la communauté juive, on remarque la présence du sénateur américain Frank Church.

Demandes

Un premier débat porte sur les accords d'Helsinki et leurs possibles répercussions sur le destin des juifs d'URSS. Un autre débat est consacré à la stratégie des communautés : faut-il ou non faire du problème des juifs d'URSS un des éléments de la détente, et par conséquent le politiser à l'extrême, ou négocier directement avec les autorités soviétiques ? Les deux thèses comptent de chauds partisans et la discussion n'a pas été tranchée. L'acte final de la conférence, après avoir proclamé l'indéfectible solidarité des juifs du monde entier avec leurs frères soviétiques, s'est achevé par une série de demandes adressées au gouvernement de Moscou :
– respecter sa propre Constitution et se conformer aux principes contenus dans l'acte final de la conférence d'Helsinki ;
– reconnaître et respecter le droit des juifs d'URSS à retrouver leurs frères en terre d'Israël, leur patrie historique ;
– écarter les innombrables difficultés faites à ceux qui souhaitent émigrer, et renoncer à toutes mesures de harcèlement et d'intimidation ;
– libérer sans délai les Assireï zion, les prisonniers de conscience incarcérés pour avoir proclamé leur volonté de retourner à Sion ;
– reconnaître à nos frères vivant en Union soviétique la liberté de confesser et de pratiquer leur religion comme de jouir sans entraves de leur patrimoine culturel et linguistique ;
– mettre fin à la campagne antisémite et aux actes de discrimination dirigés contre les juifs ;
– permettre aux juifs d'URSS de nouer et de maintenir des liens avec le peuple juif à travers le monde. Cette occasion historique remet en mémoire le serment ancestral : « Pour Sion, je ne me tairai pas, pour Jérusalem, je ne ferai pas silence. »

Congrès

Une série de commémorations et de congrès ont encore marqué l'année. La communauté juive d'Amsterdam célèbre fastueusement le 300e anniversaire de la fondation de sa grande synagogue, l'une des plus remarquables du monde par son architecture et son histoire. Les Pays-Bas ont été, dès le XVIe siècle, une terre de refuge et de liberté pour les juifs poursuivis par l'Inquisition, les Marranes ou juifs portugais. Amsterdam devient au XVIIe siècle la capitale intellectuelle et sociale de l'une des grandes branches du judaïsme, la branche sépharade illustrée par Spinoza. C'est de l'union des trois premières communautés portugaises à Amsterdam que naît, en 1675, l'actuelle synagogue miraculeusement préservée pendant la dernière guerre. Ce tricentenaire est l'occasion de diverses manifestations culturelles présidées par la princesse Béatrix des Pays-Bas, de programmes spéciaux à la télévision et de journées d'études sur la culture sépharade, qui connaît, ces dernières années, une véritable résurrection.