Marché commun

La crise monétaire, l'inflation et l'attitude britannique à l'origine d'une période d'incertitudes

Toute la période de fin 1974 à mi-75 a été pratiquement neutralisée pour la construction européenne en raison de l'incertitude sur le maintien des Anglais dans la Communauté. Il a fallu attendre le référendum du 5 juin 1975 (premier référendum de l'histoire de la Grande-Bretagne), pour savoir qu'à deux contre un les Anglais décidaient de rester dans le Marché commun.

C'était une victoire pour l'Europe, mais une victoire quelque peu résignée. C'était surtout un succès pour H. Wilson, le Premier ministre travailliste, qui avait dû se battre contre son propre parti dans cette affaire et qui sortait de sa réserve habituelle pour appeler, au soir du scrutin, les Britanniques à « coopérer de tout cœur avec leurs partenaires européens ».

Le « cœur », précisément, c'est ce qui avait le plus manqué dans toute cette opération.

Un problème anglo-anglais

Les six derniers mois de 1974 pendant lesquels la France a assuré la présidence des institutions de la Communauté et le semestre suivant sous la présidence irlandaise ont été dominés par les grandes manœuvres du gouvernement Wilson en vue de réunir de meilleures conditions à la participation de la Grande-Bretagne à la vie de la Communauté. De meilleures conditions du point de vue de Londres, s'entend, et meilleures en tout cas que celles qu'avait acceptées naguère Edward Heath, sans que l'on sache vraiment si le gouvernement travailliste voulait sérieusement ou non jouer la carte européenne.

Le Labour, le parti d'Harold Wilson, lui, avait fait son choix : c'était non, alors que l'opinion publique restait très partagée. Les partenaires de la Grande-Bretagne se sont efforcés d'aller le plus loin possible en direction des requêtes de H. Wilson, sans toucher formellement aux traités. Cette attitude permettait de n'offrir aucun prétexte extérieur susceptible d'alimenter la campagne du référendum. Elle laissait les Britanniques entre eux, en face de leurs propres responsabilités.

James Callaghan, au départ de la renégociation, le 4 juin 1974, avait lancé très loin le bouchon : révision de la contribution de son pays, jugée excessive, au budget européen ; maintien d'avantages particuliers au profit des pays du Commonwealth ; révision de la politique agricole jugée coûteuse pour le consommateur et le producteur ; maintien des prérogatives nationales pour la conduite des politiques régionales et industrielles.

Il n'a pas fallu moins de trois rencontres, au niveau le plus élevé, et d'importantes concessions françaises pour mettre un terme à cette renégociation dans des conditions avantageuses pour la Grande-Bretagne :
– le dîner des chefs d'État et de gouvernement du 14 septembre 1974 à Paris ;
– le sommet, à Paris, des 9 et 10 décembre 1974 ;
– le Conseil européen de Dublin des 10 et 12 mars 1975.

Concessions

En matière budgétaire, les Neuf réaffirment le caractère fondamental du système des « ressources propres » dans la Communauté (par ce système tomberont dans le Trésor européen, à l'échéance de 1978, les prélèvements agricoles et les droits de douane perçus aux frontières du Marché commun ainsi qu'une fraction des recettes de TVA). Mais Harold Wilson obtenait qu'un « mécanisme correcteur » puisse venir alléger dans certaines conditions la contribution britannique dans le cadre de ce système.

La difficulté était la suivante : il fallait continuer à inciter la Grande-Bretagne à jouer le jeu européen dans ses approvisionnements (moins elle achèterait à l'extérieur de la Communauté, moins elle aurait de taxes douanières à verser au Trésor européen) ; mais il ne fallait pas non plus contrarier les efforts de la Grande-Bretagne pour rétablir sa balance des paiements.

En fin de compte, le compromis suivant a été adopté : si la balance des paiements britannique est en déficit moyen pendant trois ans (et si le PNB britannique reste inférieur à la moyenne communautaire), donc si la situation est grave, le Royaume-Uni aura droit à des remboursements sur l'ensemble de ses versements au budget européen. Mais si la balance des paiements est en équilibre, l'allégement de la contribution de Londres portera seulement sur la fraction de recettes fiscales que le Royaume-Uni verse au Trésor communautaire, à l'exclusion des droits de douane et prélèvements.