Budget

Nouveau recul des investissements publics

Le retournement de la conjoncture, en 1974-1975, a eu des répercussions très directes sur le budget. Avec le passage, en quelques mois, du boom dans la crise, les priorités se sont inversées : les lois de finances initiales pour 1974 et pour 1975 visaient à réduire la surchauffe ; leur exécution a au contraire été inspirée, surtout en 1975, par le souci de lutter contre la récession grandissante.

Excédent

La loi de finances pour 1974 avait été votée avec un excédent de quelque 300 millions de francs. La détérioration de la situation économique a paradoxalement renforcé cet excédent. L'hyperinflation du premier semestre de 1974, provoquée par la fuite en avant des salariés et des entrepreneurs, des consommateurs et des investisseurs (chacun s'efforçant d'esquiver le prélèvement pétrolier), a gonflé les recettes fiscales. Puis la nécessité d'enrayer la spirale a conduit le nouveau gouvernement, en juin, à adopter un plan de refroidissement qui a accru le suréquilibre budgétaire en majorant les impôts et en limitant les dépenses. Une loi de finances rectificative, ou collectif budgétaire (le premier en cours d'année depuis 1968), a réuni l'ensemble de ces opérations, tout en marquant la volonté de stériliser la majeure partie des plus-values nées de l'inflation, puisque 3,5 milliards de francs devaient être remboursés par le Trésor à la Banque de France, ne laissant que l'excédent initial de 346 millions.

En novembre, un second collectif a opéré un nouvel ajustement des dépenses et des recettes de l'État et a décidé un second remboursement de 3,5 milliards à l'Institut d'émission, effectué en décembre. L'excédent de 8,5 milliards auquel parvient la deuxième loi de finances rectificative a donc été stérilisé à raison de 3,5 + 3,5 = 7 milliards. Pourtant, fin 1974, la conjoncture s'était déjà retournée, et avec quelle brutalité !

À partir de septembre, la production industrielle a enregistré la chute la plus brutale de son histoire (à l'exception des grèves de mai-juin 1968) ; corrélativement, le chômage a subi une poussée sans précédent.

Par conséquent, la contrainte que s'était imposée l'État (exécuter son budget en excédent afin de lutter contre la surchauffe) n'avait plus guère d'objet. Un accident a d'ailleurs tout naturellement fait basculer le budget dans le déficit au quatrième trimestre de 1974 : le retard de l'émission des rôles, dû à la réforme des finances locales, a creusé un trou de plus de 10 milliards de francs au détriment des collectivités locales, que le Trésor a comblé. Sur l'ensemble de l'année, bien qu'avec un surplus moindre que prévu par la loi de finances rectificative, le budget de l'État n'en aura pas moins été exécuté en excédent pour la troisième année consécutive. Avec les excédents de 1970, 1972, 1973 et 1974 (inconnus depuis la stabilisation de 1926-1928), Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des Finances, a surpassé son lointain prédécesseur Raymond Poincaré.

Inflation

Une fois président de la République, il n'en a pas moins laissé à son successeur, Jean-Pierre Fourcade, le problème de l'inflation, intact... et doublé de celui de la stagnation.

Dans la ligne de l'action entreprise au printemps, la loi de finances pour 1975 avait comme priorité la lutte contre l'inflation. Mais, au fur et à mesure que l'année s'est déroulée, la préoccupation du soutien, puis de la relance de l'activité est devenue prédominante et a infléchi l'exécution budgétaire dans un sens expansionniste, et par conséquent vers le déficit.

D'emblée, le premier budget de Jean-Pierre Fourcade s'annonçait typiquement giscardien. Il est présenté en équilibre, comme tous ceux qui l'ont précédé depuis 1970 (l'excédent symbolique a été ramené par le Parlement de 320 à 21 millions). Les dépenses s'accroissant un peu moins que la production en valeur, la pression fiscale a donc plutôt tendance à s'alléger : le rapport des recettes fiscales à la production nationale passe de 21,3 % en 1974 à 20,2 % en 1975. Aucune mesure nouvelle ne frappe les contribuables (hormis la taxe conjoncturelle). Aussi les équipements collectifs continuent-ils d'être sacrifiés.