La plupart des organisations politiques et syndicales de l'opposition sont régulièrement mentionnées dans ces rapports (à l'exception du parti socialiste, de Force ouvrière et, bien entendu, des partis de la majorité et des mouvements d'extrême droite), de même qu'y figurent les activités des organisations gauchistes ou des minorités étrangères. La publication de ces documents incite l'opposition à demander des explications au gouvernement, qui affirme, devant l'Assemblée nationale, qu'une telle initiative en revient à la IVe République et que, de toute façon, les 2es bureaux ont reçu l'ordre, en janvier 1974, de cesser ce travail.

Accélération

Durant son mandat, qui s'est achevé brutalement le 2 avril 1974, Georges Pompidou a contribué à consolider la construction de la force nationale de dissuasion nucléaire sur la base des plans conçus par son prédécesseur, le général de Gaulle, et il a accéléré la mise sur pied de l'armement nucléaire tactique. Les forces classiques, c'est-à-dire les cinq divisions du corps de bataille appuyées par l'aviation et la marine, sont un premier test pour éprouver la volonté de l'ennemi potentiel. Le deuxième test est l'ouverture du feu nucléaire tactique, obligeant l'adversaire à s'abstenir ou, s'il est décidé à ne pas renoncer malgré ce coup d'arrêt, à redoubler son offensive. La menace directe et caractérisée sur le territoire national justifierait l'intervention de la frappe stratégique (bombardiers Mirage IV, missiles en haute Provence et sous-marins).

Le schéma n'est pas remis en question, au contraire, par l'apparition en France des premières armes nucléaires tactiques qui, à la différence des engins nucléaires stratégiques chargés de détruire les villes et les centres industriels, auraient pour objectifs le champ de bataille, ses PC, ses dépôts logistiques, ses lignes de communication, ses centres de transmission ou les concentrations de troupes adverses. Depuis octobre 1972, la France dispose d'armes atomiques tactiques larguées par avion Mirage III ou Jaguar et, en mai 1974, l'armée de terre reçoit ses premiers missiles nucléaires tactiques Pluton : un système d'armes capable de porter à une centaine de kilomètres de distance une charge de dix à quinze kilotonnes (à peine inférieure à la bombe d'Hiroshima).

Budget

Ce souci de perfectionner l'arsenal nucléaire de la France apparaît très précisément dans le budget militaire pour 1974, qui consacre 34,8 % de l'ensemble des investissements (soit 6 320 millions de francs en autorisations de programme) aux forces nucléaires stratégiques et 618 millions de francs à la mise au point de l'arme nucléaire tactique. Pour 1974, les forces armées disposent, tous calculs faits, de 38 313 millions de francs de crédits de paiement et de 22 milliards de francs d'autorisations de programme pour les dépenses en capital. Au total, les crédits militaires représentent 16,7 % des dépenses publiques et, par rapport à 1973, ils sont en augmentation de 10,1 %.

En plus de l'effort financier en faveur de l'arme nucléaire, une vaste opération est lancée : la construction du nouvel avion de combat de l'armée de l'air française, dénommé ACF (pour : avion de combat futur) par les aviateurs et Super-Mirage par son créateur, le groupe privé Dassault-Breguet. Il s'agit d'un biréacteur pour la défense aérienne, la pénétration lointaine et l'attaque à basse altitude, la reconnaissance stratégique. Son prix : 80 millions de francs. Il pourrait être doté d'un missile portant à 80 kilomètres de distance une bombe thermonucléaire d'une puissance d'une demi-mégatonne (soit 500 kilotonnes), selon le ministre des Armées. Construit à 200 exemplaires, le programme ACF représente un investissement de 20 milliards de francs. Cet avion apparaît comme le successeur du Mirage IV.

Revendications

Un rapport parlementaire sur la condition militaire, rédigé par Jean-Paul Mourot, député UDR de l'Indre, et rendu public le 20 mars 1974, constate que « le recrutement dans les armées s'amenuise en quantité et en qualité ». Des disparités importantes de salaires existent au sein de l'institution militaire, et J.-P. Mourot cite l'évolution des traitements des personnels de la marine et des ouvriers des arsenaux depuis une dizaine d'années. Parallèlement, les servitudes de la vie militaire se sont accrues. Résultat : l'armée de terre connaît, à l'heure actuelle, une diminution du nombre des engagés (6 500 en 1973, contre 7 500 en 1972 et 9 500 en 1971), alors qu'elle en aurait besoin de 11 000 par an. Le tiers seulement des recrutés de la marine peuvent devenir officiers mariniers, et l'armée de l'air, qui ne couvre que 65 % environ de ses besoins, perd 65 % de ses sous-officiers dès les sept premières années de service, c'est-à-dire au moment où ils deviennent le plus rentables.