Pourtant, bien que le général de Gaulle ait tardivement compris la nécessité d'alléger le phénomène multiséculaire de centralisation et de « donner la parole aux régions », il soutiendra la politique de Paul Delouvrier contre celle d'Olivier Guichard. Et ce dernier ne parviendra à imposer ses conceptions que sous la présidence de Georges Pompidou. Non pas que ce dernier soit plus régionaliste que le général, tout au contraire. Mais il rejoint O. Guichard sur une vision plus pragmatique et d'une certaine manière plus humaine, plus modérée, des choses et des hommes.

Priorités

Aussi, placé en 1972 à la tête du superministère de l'Aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme (ministère auquel s'ajoutera, fin février 1974, celui des Transports), Olivier Guichard pourra, tout au long de l'année 1973, commencer à appliquer une nouvelle politique qui tourne résolument le dos (sauf, bien sûr, en ce qui concerne l'indispensable priorité aux grands équipements collectifs) à celle définie par Paul Delouvrier :
– première priorité, l'arrêt de la croissance de la région parisienne. S'il n'est pas possible d'arrêter les « coups partis », et notamment les cinq villes nouvelles (Cergy-Pontoise, Évry, Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée, Melun-Sénart), qui connaissent un lent démarrage, il est en revanche urgent de freiner la concentration dans Paris et sa banlieue : ainsi, de nouvelles et strictes mesures seront prises pour limiter la construction de bureaux et favoriser la décentralisation des activités tertiaires en province. Et le succès de cette politique sera tel que la décentralisation, tenue pour responsable d'un début de crise de l'emploi en région parisienne, sera mise en accusation par les syndicats ;
– deuxième priorité, la politique des villes moyennes. Après la politique des métropoles d'équilibre (les huit agglomérations les plus importantes : Lille–Roubaix–Tourcoing, Strasbourg, Nancy–Metz, Lyon–Grenoble–Saint-Étienne, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes–Saint-Nazaire, et donc les plus capables de développer autour d'elles un véritable dynamisme régional), il s'agit de favoriser la renaissance de ces modestes cités, ces 200 villes de 20 000 à 200 000 habitants, ces oubliées de l'histoire et du développement français. Déjà négocié par le précédent ministre de l'Équipement, Albin Chalandon, ce grand virage va être pris par Olivier Guichard, qui affirme : « Si les projets de quelques villes nouvelles sont irréversibles et parfois utiles, il faut surtout appuyer notre développement urbain sur les villes existantes, qui ne demandent qu'à vivre. »
Ainsi cette politique se traduit-elle par la conclusion d'une série d'accords entre l'État et plusieurs villes (Angoulême, Rodez, Saint-Omer, Chambéry, etc.) qui obtiendront des crédits substantiels en échange d'un effort soutenu en faveur de la qualité de la vie ;
– ce sera, en effet, la troisième des priorités définies par Olivier Guichard. À une époque où la crise du logement se fait moins lourdement sentir, les notions de qualité de l'habitat, d'architecture, d'animation prennent en effet souvent le pas sur celles de la quantité. Les premières recherches effectuées dans le cadre du plan Construction, et révélées au cours d'une exposition au début de 1974 au Grand Palais, témoignent que quelque chose commence à bouger dans ce pays habitué à la laideur des logements sociaux comme des programmes bourgeois.

Objectifs

Mais c'est surtout la décision, prise par Olivier Guichard en mars 1973, d'interdire désormais les grands ensembles qui fait le plus sensation. En donnant la priorité à la construction de programmes n'excédant pas 1 000 logements dans les petites agglomérations et 2 000 dans les grandes, en condamnant les phénomènes de ségrégation sociale et, notamment, l'absence d'HLM, donc de petites gens, dans le centre de ville, O. Guichard propose un urbanisme « à l'échelle humaine ».

Seulement, pour atteindre cet objectif, il reste encore à juguler la spéculation foncière. Le ministre compte y parvenir grâce à la création, au profit des communes, d'une taxe locale d'urbanisation de 5 à 20 %, payée par les promoteurs-constructeurs et calculée d'après la valeur des terrains à bâtir. Il s'agit donc, notamment, en pénalisant les logements chers, de favoriser la construction (et le retour) de logements sociaux dans le centre des villes.