Avant même qu'éclate la crise de l'énergie, on faisait cependant valoir que ce qui avait été réalisé n'était pas grand-chose à côté de ce qui était à faire. À la RATP, et plus encore à la SNCF, on a pu, jusqu'au seuil des années 1970, améliorer l'exploitation en se contentant, dans la plupart des cas, d'une infrastructure existante.

On a actuellement franchi un seuil au-delà duquel le développement n'est absolument plus possible sans des infrastructures nouvelles. Le cas de la banlieue SNCF est significatif : chaque nouveau voyageur-kilomètre par an effectivement transporté lui a coûté 0,65 francs par an au cours du Ve Plan ; ce même voyageur-unité lui revient à 2 francs aujourd'hui (bien qu'aucun autre mode de transport ne puisse se targuer de coûts aussi bas). La simple satisfaction des besoins (le trafic banlieue s'accroît de 2 à 3 % par an depuis vingt ans) a imposé un doublement des investissements au cours du VIe Plan, par rapport au Ve Plan ; pour 1980, les prévisions faites avant la crise énergétique nécessitaient un nouveau doublement, soit cinq milliards de francs. Il paraît maintenant prudent aux responsables d'avancer de deux ou trois ans la réalisation des objectifs prévus.

C'est devant de telles décisions et dans les prochains mois que l'on saura si la France mène réellement une politique nouvelle, donnant priorité aux transports en commun ; il ne s'agira d'ailleurs pas seulement de dépenser plus, mais aussi d'inventer de nouveaux équilibres économiques, car cette révolution dans les transports aura des répercussions dans bien d'autres domaines.

Papier

La crise ou l'organisation de la pénurie

« La question n'est plus de savoir combien coûte le papier, mais comment s'en procurer ». Telle est la constatation désolée des éditeurs, directeurs de journaux ou fabricants d'emballages en observant la pénurie des pâtes de bois et la hausse vertigineuse du prix du papier (près de 30 % en 1974, soit nettement plus que les dix dernières années).

Aux quatre coins du monde, priorité est donnée aux mesures de précaution : en Grande-Bretagne, les magnats de Fleet Street réduisent la pagination de leurs quotidiens ; en Inde, le gouvernement diminue de 30 % les allocations de papier de presse ; au Japon, des émissaires sont envoyés en toute hâte à Stockholm ou Helsinki pour sauvegarder leurs approvisionnements.

Enchères

En France, la situation est d'autant plus préoccupante que notre dépendance vis-à-vis de l'étranger ne cesse de croître. En 1960, nos importations représentaient 39 % de notre consommation de pâte à papier ; en 1970, 43 % ; en 1973, 46 %. Pour le papier journal, c'est pire ; la production nationale régresse : 430 000 tonnes en 1970, 280 000 tonnes en 1973.

Face à la crise, on est tenté d'accuser une fois encore la pénurie de matières premières. N'observe-t-on pas, comme dans le cas du pétrole, que les principaux pays producteurs ne sont généralement pas de gros consommateurs et qu'ils tirent parti de cette situation pour rationner leurs clients, et par conséquent faire monter les enchères ? En fait, les mêmes effets ne proviennent pas des mêmes causes : s'il y a bien (comme pour le pétrole) contrôle de la production de pâtes et hausse des cours du papier, il n'y a pas pénurie de bois. Au Brésil, au Canada, en Afrique et en URSS, les réserves restent immenses.

Pour comprendre la spécificité du problème, il faut se mettre à la place des exploitants forestiers et producteurs de pâtes. Voilà des entrepreneurs qui travaillent dans un secteur très sensible à la conjoncture et à forte intensité capitalistique (il faut investir un million de francs pour accroître sa production d'un million de francs).

Marges

Si la demande de pâte fléchit, ou bien les moyens de production lourds et coûteux des producteurs tournent à vide (ce qui coûte cher), ou bien l'offre de pâte dépasse les besoins du marché et les cours s'effondrent. Si la demande de pâte s'envole, les producteurs n'ont pas la possibilité matérielle de la satisfaire et les prix explosent.