Tout ce remue-ménage ne manque pas de provoquer quelques remous au sein du gouvernement et dans les rangs de la majorité.

Tandis que le projet de loi entre en discussion au Parlement (ce qui est, à l'Assemblée nationale, l'occasion d'une belle démagogie collective, aussi bien sur les bancs de la majorité que sur ceux de l'opposition), des mesures de taxation (pour les fruits et légumes, la viande de boucherie, certains fromages et les chaussures) sont décidées le 2 novembre 1973 par le ministère de l'Économie et des Finances, dans le but de freiner la hausse des prix.

Grèves

La réaction des petits commerçants (qui ressentent cette taxation comme une douche froide après l'amicale compréhension de J. Royer) ne se fait pas attendre : décidée sur le carreau des Halles de Rungis, une grève des achats de fruits et de légumes est lancée par la base.

G. Nicoud reste étrangement silencieux ; les consommateurs de Paris et de certaines grandes agglomérations, pendant une dizaine de jours, doivent se passer de fruits et de légumes, ou s'en procurer dans les magasins à grande surface.

Une grève générale de solidarité de tous les commerçants, le 15 novembre 1973, est exceptionnellement suivie. Et le pouvoir recule en modifiant la taxation pour la rendre acceptable par les professionnels. Les petits commerçants acceptent d'autant moins cette taxation qu'ils ont le sentiment d'être considérés comme les seuls fauteurs de hausse des prix.

Une enquête de l'Institut national de la consommation, menée dans 2 113 magasins sur 21 articles de grande diffusion, a révélé, en septembre 1973, que les prix sont moins chers de 13 % en moyenne dans les grandes surfaces que chez les petits commerçants.

La loi Royer donne cependant satisfaction aux petits commerçants en subordonnant l'ouverture de grandes surfaces à l'autorisation des commissions départementales d'urbanisme commerciales, jusque-là seulement consultatives. Dans ces commissions, les commerçants locaux sont largement représentés, ce qui (et c'est nouveau en droit français) leur permet d'être à la fois juges et partie. L'ensemble des débats et le contenu de la loi donnent le sentiment que le petit commerce est un secteur moribond, qu'il faut protéger. Or, la situation n'est pas aussi simple. Voici le plus grand paradoxe de cette affaire : la contraction de l'appareil commercial a cessé de se manifester et il s'est ouvert, en 1972, 5 253 entreprises de plus qu'il ne s'en est fermé.

Croissance

Certes, certains secteurs (alimentation générale, épicerie, mercerie) sont en régression, mais d'autres sont en large expansion : le nombre des maroquineries et des parfumeries a presque triplé en dix ans, la plupart des commerces de luxe, de loisirs, de sport, d'équipement de la maison connaissent un bel essor, tandis que la commission des comptes commerciaux de la nation précisait qu'en 1971 « le taux de croissance du chiffre d'affaires du commerce de détail indépendant a dépassé celui du commerce concentré ».

Il s'est ouvert 47 hypermarchés en 1973 (contre 62 en 1972) et 244 supermarchés (contre 277 en 1972) : au total, il existe 257 hypermarchés et 2 574 supermarchés. La progression s'est ralentie.

Mais le commerce moderne aborde d'autres secteurs. La FNAC, spécialisée jusqu'ici dans la vente d'appareils photo, d'équipements électroménagers, d'articles de sport, s'attaque à la vente de masse, en discount, des livres ; là, le problème est encore plus compliqué que pour les marchandises générales : libraires, éditeurs, auteurs mêmes, demandent l'instauration d'un prix imposé, au nom de la culture et de la littérature de qualité.

Transports

Vers un nouvel équilibre entre le rail et la route

Priorité aux transports en commun : dans leur affrontement, les candidats Giscard d'Estaing et Mitterrand se sont trouvés d'accord au moins sur ce point. Dès le début de 1974, le gouvernement Messmer avait déjà lancé le slogan à l'occasion des mesures prises en faveur du chemin de fer et du métro. La crise de l'énergie est-elle en train de changer la face du monde des transports en France ?

Écart

Jusqu'ici, la tendance était claire : l'énergie à bon marché donnait l'avantage au transport individuel sur le collectif, à la route sur le rail. Au cours de la dernière décennie, une étude de l'INSEE a montré que les ménages français avaient augmenté de 34 % leur consommation de transports collectifs, et de 130 % celle des transports individuels ; cette dernière se chiffrait à 49 milliards de francs en 1972, soit cinq fois plus que la consommation de transports collectifs. Dans le même ordre d'idée, les transports de marchandises par la route ont pris le pas sur les transports par rail depuis 1971 et, à l'image des autres pays développés, l'écart semblait devoir se creuser.