Les exportations ont soutenu la production, qui, après la forte progression de 1972 (8 %), a augmenté de 3,5 %.

Mais la situation a été très différente selon les branches. La production a baissé dans la laine : fils (– 2,1 %), tissus (– 3,3 %) et dans la bonneterie (– 2,6 %). Elle a faiblement augmenté dans le coton (+ 2,3 %), mais fortement dans la soie (+ 7,8 %) et les fibres synthétiques (+ 18,4 %).

Stabilité

Ce qui est frappant, c'est qu'il n'y a eu aucun ralentissement, aucun licenciement collectif, aucune fermeture majeure. À l'inverse de la situation en Allemagne fédérale, où l'année a été franchement catastrophique et où plusieurs dizaines de milliers de travailleurs étrangers ont été renvoyés dans leurs foyers. Comment expliquer la différence ? Habituée de longue date à des crises cycliques de hausse et de baisse brutale de sa production, l'activité textile française s'est enfin stabilisée.

Ce phénomène (très récent) est dû à l'épuration opérée par les grands groupes restructurateurs (Lainière de Roubaix, Agache-Willot, Dollfus-Mieg). Face à eux, il reste, certes, une multitude d'entreprises, petites et moyennes, mais leur gestion s'est considérablement améliorée, leur expansion est de moins en moins dépendante des commandes traditionnellement irrégulières de la confection et de la distribution françaises. C'est dans le vêtement, très balkanisé, sans outil de gestion élaboré, que les crises peuvent encore se produire. En 1973-1974, on a d'ailleurs assisté au dépôt de bilan de Bailleul (1 000 emplois dans le prêt-à-porter féminin) et de Rica-Lewis (sportswear, 400 emplois), aux difficultés du groupe Alain Bourgeois (sous-vêtements féminins) ainsi qu'à celles de Big Chief (imperméables, sportswear) et de Bayard (confection pour hommes).

Les confectionneurs sont d'autant plus vulnérables que les petites rues du quartier du Sentier, à Paris, sont de nouveau en effervescence. Adaptable, rapide, efficace, c'est-à-dire capable de suivre instantanément l'évolution de la mode, le Sentier représente désormais 17 à 20 % de la confection féminine en France, contre 4 % en 1968.

Succession

Le textile français (sinon le vêtement) est arrivé à une certaine maturité et ne devrait pas, sauf exception, connaître de crise grave dans les années à venir. Il lui reste à résoudre la succession de Marcel Boussac, dont la totalité ou une partie du mini-empire de 15 000 personnes sera vraisemblablement cédée dans un avenir proche. Va-t-on le découper en morceaux ou le vendre en bloc ? Faudra-t-il faire appel à un groupe étranger (on a parlé de Courtauld's et du groupe Empain) ou trouvera-t-on une solution française ? Seul Marcel Boussac peut le dire.

Distribution

Loi d'orientation pour le commerce

L'année écoulée reste, pour le commerce, placée sous le signe de la loi Royer. Le ministre du Commerce et de l'artisanat Jean Royer, qui, sous le troisième ministère Messmer, abandonne les problèmes des travailleurs indépendants pour ceux des postiers et du téléphone, s'est surtout fait connaître du grand public comme maire de Tours, par ses réalisations en matière de logements et ses campagnes contre la pornographie. Jean Royer, qui reprend à son compte, avec passion et enthousiasme, la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat que lui lègue son prédécesseur Yvon Bourges, parvient en quelques mois à convaincre des centaines de milliers de petits patrons qu'il est leur défenseur inconditionnel au sein du gouvernement.

Mobilisation

Il réalise en peu de mois la gageure de rapprocher de la majorité gouvernementale, et de lui-même, une clientèle électorale traditionnelle devenue depuis 1969 remuante et contestataire. Pour y parvenir, il n'hésite pas à entreprendre (après que son projet de loi eut été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale) un tour de France qui le mène dans une soixantaine de villes. Il imite en cela Gérard Nicoud : le jeune et naguère bouillant leader du CID-UNATI, le plus représentatif des mouvements de commerçants contestataires, qui a fait de ses tours de France le moyen privilégié de mobiliser et de sensibiliser les professionnels. Le ministre n'hésite pas à menacer de démissionner si sa loi est dénaturée par les amendements des Assemblées, attaquant son collègue des Finances, V. Giscard d'Estaing, responsable de la faiblesse du texte en matière de protection sociale et de fiscalité.