C'est aussi la normalisation des rapports avec l'URSS qui, après cinquante ans de cavalier seul, décide brusquement d'adhérer à la Convention universelle sur le droit d'auteur et, par ce fait, résout d'un seul coup ses relations éditoriales avec l'ensemble du monde, si ce n'est, toujours, avec ses propres auteurs.

C'est enfin la Caisse des lettres, qui, en disparaissant, fait place à un Centre national des lettres, plus important, plus ambitieux aussi, et qui, dans les années prochaines, résoudra peut-être mieux que naguère les problèmes d'aide à la création et de soutien aux auteurs.

Parallèlement, des difficultés affleurent, dont on n'entrevoit pas la solution. Ainsi, depuis quelques années déjà (mais en 1973 plus que jamais), les exportations de livres français vers l'étranger ont cessé de se développer et stagnent, quand elles ne diminuent pas. Tous les grands pays d'édition, à commencer par la Grande-Bretagne, en sont au même point. En naissant à l'indépendance, en affirmant leur personnalité, les pays neufs se sont équipés en imprimeries et cherchent à se donner une industrie éditoriale nationale.

Discount

En France, ce phénomène est accentué par la relative perte d'influence subie par la langue française dans le monde. Autre problème grave, et qui n'a pas encore trouvé sa solution : l'évolution des réseaux de distribution du livre. Il y a quelques années encore, les libraires détenaient la majorité du marché. Aujourd'hui, concurrencés par ce qu'il est convenu d'appeler la distribution moderne (magasins à discount, grandes surfaces, magasins populaires, grands magasins) et par les systèmes de vente directe mis au point par les éditeurs (ventes par correspondance, par courtiers, par clubs...), les libraires s'inquiètent et s'interrogent. Leur disparition, ou simplement la diminution de leur importance, aurait, pour les secteurs les plus fragiles, mais aussi les plus intéressants de l'édition (en fait pour tous les ouvrages nouveaux, difficiles, destinés d'abord à une clientèle spécialisée avant d'espérer atteindre les grands tirages), des conséquences peut-être très graves.

Après avoir vainement défendu devant les pouvoirs publics le principe du prix imposé (le même produit doit être vendu au même prix dans tous les magasins), afin, justement, de conserver aux libraires leur rôle, éditeurs, auteurs et détaillants s'interrogent sur ce que sera demain le métier du livre... et de quel livre.

Le 26 juillet, le ministère des Finances autorise une majoration de 2,6 à 6 % des prix du livre de poche. Mais une augmentation de 18 à 20 % aurait été nécessaire aux éditeurs pour retrouver leurs marges bénéficiaires de 1968.

Procès

Deux écrivains dont le talent est reconnu par toute la critique (Bernard Noël et André Hardellet) sont condamnés, ainsi que leurs éditeurs, Jérôme Martineau et Régine Desforges, pour « outrages aux bonnes mœurs » à la suite de la publication de leur roman Le château de Cène et Lourdes lentes. François Maspéro, qui en est à son 48e procès, connaît des difficultés financières : des artistes organisent une vente à son bénéfice. En ce qui concerne les procès pour motifs politiques, il a un émule en la personne d'Alain Moreau, poursuivi pour la publication de Dossier D... comme drogue et Dossier S... comme Sanguinetti. Gaston Monnerville gagne son action en diffamation contre Roland Laudenbach, éditeur de l'ouvrage Les mémoires d'un président, et Jean-Louis Tixier-Vignancour assigne Robert Laffont et les auteurs du livre Objectif de Gaulle.