Ce projet a fait apparaître d'importantes divergences entre les organisations, y compris parmi celles qui se réclament de la gauche. Ces oppositions ne sont pas nouvelles : si la réforme Fontanet les a mises en lumière, le congrès de la Fédération de l'éducation nationale (43 syndicats, 540 000 adhérents), en novembre, avait déjà rappelé que la gauche n'était guère unie sur les problèmes de l'éducation.

Ces différences s'y étaient manifestées d'autant plus nettement que James Marangé, secrétaire général de la FEN, avait dénoncé à cette occasion les atteintes à l'unité dont s'étaient rendus coupables, selon lui, des syndicats de la Fédération.

La controverse, transformée en conflit ouvert, avait pour origine la décision de quatre syndicats (contrôlés par la tendance proche du PC) de maintenir un ordre de grève que la direction fédérale (de tendance socialiste) avait annulé.

À la politique de négociation avec le gouvernement menée par la FEN (dont la direction sortante devait d'ailleurs être reconduite à l'issue du congrès), les militants communistes et leurs amis opposent la nécessité d'engager une action déterminée contre le pouvoir. Les rivalités politiques entre les deux alliés de l'Union de la gauche, notamment après la remontée du PS aux élections législatives, contribuent évidemment à aiguiser la querelle, encore que les socialistes soient eux-mêmes divisés à l'intérieur du syndicat. Les divers courants gauchistes demeurent très minoritaires.

Les deux grandes tendances de la FEN s'opposent également sur le plan pédagogique. Le premier cycle du second degré est l'enjeu de l'affrontement. Les socialistes, parmi lesquels les instituteurs ont une influence prépondérante, proposent un projet d'école fondamentale qui permettrait à ces derniers d'enseigner dans le second degré. Les communistes, qui contrôlent les syndicats du second degré, entendent évidemment maintenir l'actuelle séparation entre primaire et secondaire.

La formation d'un nouveau corps de professeurs dans le premier cycle du second degré (prévue par la loi) donnait quelques espoirs aux instituteurs : aussi le Syndicat national des instituteurs s'est-il abstenu, après avoir été tenté de l'approuver, sur la réforme Fontanet, au sein des organismes consultatifs, alors que le SNES, défenseur des certifiés et agrégés, votait contre. Cette situation embarrasse le parti socialiste, qui cherche à prendre ses distances par rapport à la position de ses instituteurs.

D'autres clivages apparaissent, notamment entre les syndicats de la FEN et le SGEN (affilié à la CFDT). Le second dénonce le corporatisme des premiers, insiste sur la nécessaire jonction entre l'action des enseignants et celle des ouvriers, refuse de croire au rôle libérateur de l'école dans la société capitaliste. Il rejette toute forme de sélection.

Les organisations classées à droite : le SNALC (Syndicat national des lycées et collèges, affilié à la CGC), la CNGA (Confédération nationale des groupes autonomes), la Fédération nationale des syndicats autonomes de l'enseignement supérieur, tout en exprimant des réserves sur tel ou tel aspect de la réforme, approuvent le renforcement de la sélection, notamment par le barrage du baccalauréat.

La réforme de l'orientation

Une importante réforme de l'orientation dans le second degré est mise en place progressivement. Entrée en vigueur dans 20 départements à la rentrée 1973, elle s'applique dans 35 autres à la rentrée 1974. Elle prévoit notamment la suppression des conseils d'orientation qui, à la fin des classes de cinquième et de troisième se contentaient le plus souvent d'avaliser les propositions des conseils de classe. Ceux-ci joueront désormais le rôle principal, mais leur décision sera précédée de toute une série de procédures destinées à mieux y associer les familles. Des réunions d'information sur les filières scolaires et les débouchés professionnels seront organisées dans les établissements secondaires à l'intention des parents, des élèves et des enseignants. Des professeurs correspondants, exerçant dans le deuxième cycle, seront chargés de cette information, un inspecteur de l'Information et de l'Orientation sera nommé, à la tête d'un bureau de l'orientation, auprès de l'inspecteur d'académie. Un dialogue devra s'instaurer entre les parents et l'équipe éducative. Les premiers formuleront, au début du second trimestre, des « vœux provisoires » auxquels les conseils de classe répondront, à la fin de ce trimestre, par des « propositions provisoires ». En cas de désaccord, les parent pourront s'entretenir avec les enseignants ; l'entretien permettra « de mieux comprendre les positions de chacun et de mieux considérer ensemble l'intérêt de l'élève ». La famille dispose encore, après cette rencontre, de deux voies de recours : l'arbitrage d'une commission d'appel ou l'organisation d'un examen à l'échelon départemental. Enfin, la phase d'orientation (fondée sur les aptitudes et les goûts) sera nettement distinguée de la phase d'affectation (tributaire des places disponibles) lorsque l'élève doit changer d'établissement. Un bureau d'affectation centralisera les demandes auprès de l'inspecteur d'académie. L'ensemble de ces diverses dispositions devraient en principe permettre de prendre davantage en considération tant les désirs des élèves que ceux des familles.

Rythmes scolaires

Un rapport sur les « rythmes scolaires » des jeunes gens de onze à seize ans est rendu public en avril 1974. Cette étude avait été demandée par Joseph Fontanet, ministre de l'Éducation nationale, au docteur Jean Bernard, lors du colloque national sur l'enseignement qui s'est tenu à Paris du 21 au 23 novembre 1973. L'équipe du docteur Bernard, composée d'un spécialiste de neuropsychiatrie et de trois enseignants, préconise plusieurs mesures de réorganisation :
– semaine scolaire de vingt-quatre heures, au maximum ;
– respect absolu du congé hebdomadaire, ce qui condamne l'expérience de la semaine anglaise ou des horaires « à la carte » institués par O. Guichard en 1972 ;
– rééquilibrer les trois trimestres et effectuer les examens en dehors de la période scolaire ;
– ramener les vacances d'été à deux mois, mais accorder trois semaines en hiver et trois semaines au printemps.