Parlant ainsi des Églises, il faisait également allusion aux peuples dont le niveau de vie ne cesse de s'accroître au nord et de stagner au sud ; on comprend que, selon cette vision des choses, le COE se soit engagé dans un certain nombre d'actions concrètes visant à une plus grande justice internationale.

Ainsi, à Genève, les sociétés multinationales investissant en Afrique australe auront été explicitement dénoncées ; ainsi le Fonds de lutte contre le racisme a été augmenté une fois encore ; ainsi les Églises membres du COE ont-elles été invitées à aider les soldats portugais refusant de servir leur régime colonialiste. Mais le grand public n'a pas réalisé que ces actes sociopolitiques sont tous le fruit d'une mûre réflexion théologique et biblique. Ainsi, la Ve Assemblée générale septennale du COE, qui se tiendra à Djakarta (Indonésie) au mois d'août 1975, aura pour thème central : Jésus-Christ libère et unit, et aura été préparée dans le monde entier théologiquement. Car les communautés chrétiennes de partout et de toute tradition auront répondu à la question : que signifie rendre compte de l'espérance qui est en vous ? Ainsi, prendre au sérieux pour l'aujourd'hui du monde cette parole de l'apôtre Pierre, lui donner un contenu, c'est faire un nécessaire retour aux sources. Celui-là même que fera sans doute le prochain synode épiscopal romain ou telles et telles assemblées internationales, nationales ou locales. Le seul retour qui puisse permettre de surmonter les tensions actuelles et de réanimer le mouvement vers l'unité des chrétiens et du genre humain.

Les orthodoxes

La personnalité du nouveau patriarche de Constantinople, Dimitrios Ier, se manifeste plus clairement au cours de sa deuxième année de règne, qu'il entame en juillet 1973. Avec un autre style, plus patient peut-être, plus rigoureux aussi, mais surtout plus collégial, Dimitrios poursuit la politique ecclésiastique de son illustre prédécesseur, Athénagoras Ier. Et, d'abord, il s'attache, lui aussi, à faire progresser le mouvement œcuménique pour hâter l'heure du retour à une pleine communion entre les Églises.

Rivalité

On le voit bien lorsque, en août, à l'occasion du 25e anniversaire du Conseil œcuménique des Églises (COE), il publie une très longue déclaration dans laquelle il souligne toute l'importance qu'il attache à cet organisme, dans lequel il souhaite voir entrer l'Église catholique romaine.

Néanmoins, dans ce texte, Dimitrios ne manque pas d'insister sur le souci proprement spirituel qui inspire l'orthodoxie, et lui fait craindre que les Églises n'attachent trop d'importance aux problèmes sociaux et politiques au détriment de leur mission propre. C'est pourquoi le patriarche de Constantinople écrit que le COE « doit renoncer à poursuivre tout objectif qui lui est étranger ou qui l'éloignerait de ses visées premières purement ecclésiales et religieuses ».

Ces réserves sont formulées avec modération. Elles contrastent avec les critiques sévères et presque violentes que le patriarche de Moscou, chef de l'Église orthodoxe russe, adresse, dans les mêmes circonstances, au COE. Il y a là, sans doute, une nouvelle illustration de la subtile rivalité entre les deux premiers sièges de l'orthodoxie : Constantinople et Moscou. Mais si l'on examine le message du patriarche Pimen, de Moscou, non pas du point de vue de l'œcuménisme, mais en tenant compte de la situation délicate de l'Église en URSS, on est amené à se poser des questions.

Le patriarche Pimen, reprochant au COE d'être trop préoccupé par les problèmes temporels (lutte contre le racisme, la guerre, les injustices sociales, etc.), réaffirme en effet la primauté du salut spirituel. Citant saint Paul, il écrit : « Je n'ai point honte de l'Évangile », et aussi : « Est-ce la faveur des hommes que je désire ou est-ce celle de Dieu ? » On peut se demander si de tels propos ne visent pas à répondre à ceux qui, en URSS, ou en dehors, reprochent au patriarcat de Moscou d'être trop complaisant à l'égard du pouvoir soviétique. Ne cherche-t-il pas ainsi à témoigner de la fidélité de son Église à la foi, en dépit des circonstances ?

Dialogue

À l'égard de l'Église catholique romaine, Dimitrios Ier ne se départit pas de l'attitude d'ouverture et de dialogue de son prédécesseur. Il estime même que les rapports entre les deux Églises sont entrés « dans une période d'approfondissement », comme il le déclare en recevant dans sa résidence du Phanar, les 29 et 30 novembre 1973, le cardinal Willebrands, président du secrétariat romain pour l'Unité des chrétiens. Mais il pense que dans cette période « il faut avancer résolument, mais aussi prudemment, afin que l'édifice soit solide et non seulement orné d'une belle façade ». Ce souci le conduit à réaffirmer de manière plus ferme que son prédécesseur les positions dogmatiques de l'orthodoxie.