En dépit d'une apparente sincérité qui est exigée par le public, en dépit aussi du pittoresque de la présentation scénique, des appoints de l'électronique, une grande partie de ce secteur musical n'est révolutionnaire que par sa forme, car musiciens et chanteurs usent et abusent de procédés qui de tous temps ont permis aux industriels de la scène et du disque de fabriquer des succès : références au folklore, rythmes primaires pour la danse, mélodies faciles à retenir, effets vocaux surprenants et romantisme simpliste aujourd'hui caché sous le masque de la contestation sociale.

La confusion des genres est échauffée par le souci d'être dans le vent, d'aller au-devant des désirs, des appétits mouvants du public. Bref, la pop music actuelle est écartelée entre ses origines dures (le rock and roll) et la douceur du chant de ceux qui cherchent à s'inspirer des complaintes mélancoliques du folk.

L'aventure sonore

Se mêlent à ces pôles essentiels des aventures sonores issues de la musique classique contemporaine et du free jazz, des emprunts au folklore celte, à l'Orient, à l'Opéra et aux symphonies traditionnelles, le tout étant traduit à l'aide des techniques les plus modernes, puisque l'amplification, l'électronique, les mélangeurs acoustiques, les projections lumineuses sont venus élargir à l'infini le champ des possibilités instrumentales et scéniques.

De plus en plus le son naturel cède la place à celui qui est traduit par la voix des haut-parleurs. C'est ainsi que depuis quelques mois apparaît plus considérable que jamais l'influence des travaux de ce guitariste fabuleux que fut Jimi Hendrix.

C'est surtout par le truchement du disque que s'établissent les réputations. Citons pour les groupes : les Who, les Rolling Stones, les Doors, Crosby, Still, Nash and Young, Pink Floyd, Moody Blues, Led Zeppelin, Jefferson Airplane, Grateful Dead, Emerson, Lake and Palmer, Grand Funk Railroad, les Mothers, Chicago et Soft Machine. Pour les chanteurs : Mick Jagger, Joe Cocker, Neil Young, Rod Stewart, Leonard Cohen, Bob Dylan et John Lennon. Pour les chanteuses : Joan Baez, Tina Turner, Judy Collins, Buffy Sainte Marie et Joni Mitchell.

Les principaux concerts parisiens ne donnent qu'une image incomplète de la véritable popularité de ces artistes. Pour des raisons souvent extra-musicales, les tournées ne permettent pas forcément aux plus populaires de passer en France. C'est le cas d'Elvis Presley, annoncé tous les ans et déclarant forfait. C'est le cas des Who, de Led Zeppelin et de Bob Dylan. En revanche, Joan Baez fut présente à l'Olympia en septembre, les Soft Machine en octobre au palais de Chaillot, le Grand Funk Railroad en décembre au Châtelet, les Byrds en janvier à l'Olympia, les Moody Blues en mars à Pleyel, Leonard Cohen en avril à Pleyel, le Grateful Dead, les Doors et East of Eden en mai à l'Olympia.

Les circonstances ne sont pas toujours sereines au cours de ces fêtes. Chose curieuse, ce n'est pas au sujet de la musique qui y est présentée que des horions sont échangés, mais pour des motifs bien différents : présence de la police, prix des places, énervements caractériels. Il serait donc imprudent d'affirmer, comme ce fut le cas au moment de la guerre des jazz (be-bop contre dixieland), que certains courants sont plus d'avant-garde que d'autres.

Le bilan de ces douze derniers mois ne permet ni pour le jazz ni pour la pop music de prédire quelle direction est la voie privilégiée. Il est vrai que nulle personnalité d'envergure ne s'est révélée. Pour l'instant, on prend les mêmes et on continue.

Seule innovation, mais il ne semble pas qu'elle ait provoqué un grand succès en France, la récupération des mélodies et rythmes du rock and roll pour accompagner des opérettes illustrant la Bible : Godspell et Superstar sont à l'affiche de théâtres parisiens. Ce qui prouve bien que si jazz, rock et pop sont intégrés aux mœurs de notre temps (dans les bals de campagne la guitare électrique a remplacé l'accordéon), ils ne sont que moyens d'expression comme d'autres et qu'aujourd'hui ils attendent de nouveaux Messies.

Théâtre

Devant les auteurs et les comédiens, le metteur en scène

Pas de Bob Wilson, pas d'Orlando furioso, pas de 1789 pour marquer cette saison un peu déconcertante, où les recettes les plus éprouvées n'ont pas toujours donné non plus les résultats attendus, comme si le public enfin adulte se refusait à répondre sans esprit critique aux sollicitations qu'on lui propose.