Comme nous paraissent plus proches ces têtes hiératiques ou dilatées des statuettes polynésiennes (musée de l'Homme, janvier-juin 1972) ! Toute une part de notre sensibilité y trouve une caution insolite : ornements de plumes, pendentifs de jade, dents de cachalot ou coquillages gravés, écorces peintes, l'objet cérémoniel ou utilitaire — pilon, massue, peigne, flèche, statuette votive — est d'abord une courbe, un équilibre, un volume, et les grandes découvertes de Cook et de Bougainville, dont l'exposition célèbre le deuxième centenaire, sont d'abord plastiques. Dispersée sur sept archipels, cette civilisation qui ne connaissait ni le fer, ni les céréales, ni le métier à tisser, a su trouver dans l'art les seuls « éléments de communication immédiatement efficaces ».

Familiarité spontanée avec l'univers des formes qui est aussi celle des Esquimaux de l'Arctique canadien — qui n'ont pas dans leur langue de mot pour désigner l'art —, la sculpture inuit (Grand Palais, février-avril 1972) nous a révélé sa pérennité, des cygnes d'ivoire de l'époque Dorset à l'expressionnisme humoristique des vingt dernières années qui a su transcender le folklore.

Ventes

Pour l'ensemble des ventes aux enchères à Paris, le chiffre d'affaires a progressé en 1972 de 18 % par rapport à la saison précédente, pour atteindre un total de 270 millions de francs. Pour environ 10 000 ventes, le nombre d'objets qui ont changé de main approche du million. En province, l'activité des hôtels des ventes a suivi le mouvement, et de grandes vacations à Versailles, Chartres, Angers et Nice notamment ont attiré de nombreux amateurs français et étrangers.

Trois tendances principales se dégagent :
– la recherche des pièces exceptionnelles a provoqué des plus-values spectaculaires ;
– la montée du style Arts-Déco s'est manifestée avec éclat ;
– des créations artistiques d'avant-garde ont fait pour la première fois leur apparition.

La tendance à la hausse s'est vérifiée chaque fois que les meubles et objets particulièrement remarquables ont été présentés dans des ventes de grands collectionneurs. Les pièces, patiemment rassemblées au cours d'une vie entière avec une grande sûreté de goût et une extrême exigence de qualité, ont fait le renom de personnalités telles que D. David-Weill (argenterie, haute époque, gravures), Louis Guiraud (porcelaines, objets de vitrine), Georges Geffroy (meubles des grands ébénistes, bronzes d'ameublement), Raphaël Esmerian (manuscrits, incunables et livres précieux).

Les grands marchands américains, anglais, allemands, belges, suisses et même japonais se sont déplacés pour acheter à Paris des œuvres d'art qui se négociaient jusqu'alors surtout à Londres et à New York. Les deux tiers des dessins, aquarelles et gouaches du cubiste Lipchitz ont été acquis par des acheteurs étrangers à la vente de Me Boisgirard du 25 avril 1972. La bibliothèque Esmerian, la plus prestigieuse du monde, est venue de New York pour se vendre à Paris sous le marteau de Me Ader (à partir du 6 juin 1972). La réputation des ventes françaises semble s'être renforcée au cours de l'année.

Il est encore intéressant de souligner deux faits nouveaux : les amateurs qui viennent voir et acheter en salle des ventes les œuvres d'avant-garde sont des jeunes cadres dont la moyenne d'âge est de 25 à 35 ans ; et, en second lieu, la décision de Me Maurice Rheims d'abandonner le marteau d'ivoire après plus de trente ans d'exercice.

Armes anciennes

Les plus fortes hausses concernant les objets de collection ont été enregistrées en 1972 sur les armes à feu anciennes. D'après les experts, le coefficient de hausse en un an est d'au moins 25 % (alors que pour les armes blanches, également en progression, il est de 15 %).

Un pistolet miniature (11,2 cm) fabriqué à Nuremberg vers 1570, avec décor gravé à l'eau-forte, a atteint 99 600 F (Galliera, 25-X-71, R.-J. Charles, expert).

Deux pistolets à rouet du roi Louis XIII ont obtenu 145 000 et 160 000 F (Drouot, 26-V-72, R.-J. Charles, expert).