Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Bourse

Une période maussade

Profondément ébranlées par la chute des cours de New York au premier semestre 1970, les grandes places financières internationales sont encore, en juin, attentives aux difficultés américaines — hausse des prix, diminution des bénéfices, intervention militaire au Cambodge —, tout en récupérant lentement leur souffle.

Sans le brio de New York

Dans ce contexte général survient à Paris la date du 1er juillet 1970 prise comme terme du plan de redressement de septembre 1969. Attendues avec impatience, les mesures gouvernementales doivent tenir compte des pressions inflationnistes, toujours fortes, et ne pas compromettre par leur libéralité les résultats obtenus. Aussi l'encadrement du crédit demeure-t-il maintenu, avec toutefois deux assouplissements notables en matière d'équipement et d'exportation. Un effort est fait, en outre, pour relancer la demande en appareils de télévision, la TVA correspondante étant ramenée de 33 % à 23 %, ce qui se traduit par une baisse des prix de l'ordre de 10 %. Critiqué pour son retard à sortir du plan de stabilisation de 1963, Giscard d'Estaing adopte cette fois-ci une politique du coup par coup qui allie l'avantage de la souplesse à l'inconvénient de manquer d'impact psychologique.

Sans montrer le brio de Wall Street, dont la dynamique reprise résiste à la retentissante faillite de la Pennsylvannia Central Railroad, le marché parisien se raffermit en juillet 1970, puis confirme en août cette reprise, légèrement supérieure à 10 % en termes d'indice. Les cours sont loin, toutefois, de ce qu'ils étaient à fin janvier et conservent la trace de plus de cinq mois de baisse ininterrompue. L'amélioration n'en est pas moins certaine, favorisée par l'espoir d'une détente progressive des taux d'intérêt. La Bourse accueille, en outre, avec satisfaction les autorisations gouvernementales entérinant les accords Fiat-Citroën et Bull-General Electric-Honeywell. Le premier renforce la position de Fiat, qui acquiert un poids comparable à celui de Michelin au sein du troisième constructeur automobile français. Le second, conséquence de l'apport du département ordinateurs de General Electric à Honeywell, fait de ce dernier le nouveau partenaire des Machines Bull dans les filiales industrielle et commerciale.

Parallèlement, la Bourse commence à se passionner pour ce qui sera l'un des événements majeurs de l'année : la quête du pétrole non arabe. Les exigences croissantes des autorités algériennes notamment incitent les investisseurs à porter un intérêt de plus en plus grand aux nouvelles découvertes politiquement sûres, qu'il s'agisse des derniers résultats positifs des forages du groupe Aquitaine Cy of Canada-Banff Oil, des perspectives prometteuses de la zone norvégienne de la mer du Nord, à laquelle sont fortement intéressées la Norvégienne de l'azote et Petrofina, voire de la toute nouvelle découverte effectuée au large du delta de l'Èbre par un groupe associant la Shell à des intérêts espagnols et français (Coparex, dont les cours vont plus que décupler en quelques mois).

Activité limitée

L'activité globale reste toutefois très limitée, le chiffre d'affaires quotidien moyen revenant de 120 millions de francs en juin 1970 à 99 millions de francs en juillet et 80 millions seulement en août. Ces chiffres illustrent le calme de cette période de vacances, où le cessez-le-feu entre Israël et la République arabe unie, aussi bien que la baisse d'un demi-point du taux de l'escompte, ramené le 27 août de 8 à 7,5 %, restent sans écho sur le plan boursier. Ce manque d'entrain contrastant avec l'explosion d'optimisme de Wall Street, où l'indice Dow Jones des valeurs industrielles atteint 764,58 à fin août 1970, va favoriser un certain effritement des cours en septembre, à l'heure où, traditionnellement, les pessimistes agitent l'épouvantail de la rentrée sociale. La perspective de nombreuses émissions aidant, le marché se cantonne dans une prudente réserve, oubliant les excellents résultats du premier semestre, pour manifester une morosité à mi-chemin de l'indifférence et de la léthargie.

Les fusions de géants

Seule l'annonce du principe du rapprochement de Pechiney et d'Ugine-Kuhlmann le tire un instant de sa torpeur pour se traduire par un recul immédiat des cours des deux titres. Cette baisse est significative. Elle tient sans doute au souvenir pénible des conditions qui avaient entouré la fusion d'Ugine et de Kuhlmann. Elle tient aussi et surtout au récent exemple de Saint-Gobain - Pont-à-Mousson, exemple tendant à prouver qu'une société dont le capital dépasse 20 millions d'actions (le seuil critique est sans doute inférieur) est mal adaptée au marché financier français, ou inversement. Techniquement, les fusions de géants pèsent sur les cours des titres, quelles que puissent être les motivations et les conséquences du rapprochement.