La mise au point de thérapeutiques efficaces et généralisables à un grand nombre de malades apparaît d'autant plus nécessaire que les accidents cardio-vasculaires ont une incidence de plus en plus lourde, frappant d'ailleurs à tous les âges (225 000 décès en un an, en France). Dans un rapport au ministère de la Santé publique, le professeur Lenègre préconise la création d'un institut national des maladies cardio-vasculaires et demande le développement en priorité des recherches sur l'athérosclérose et l'hypertension artérielle. Au cours de la Semaine européenne du cœur (février 1971), l'accent a été mis une fois de plus sur la prophylaxie des maladies coronariennes, dont les grands pourvoyeurs sont le tabac, l'alcool et l'abus de sel.

La chasse aux virus cancérogènes

Des virus assez communs seraient à l'origine de tous les cancers : cette idée, qui, il y a quelques années seulement, semblait hasardeuse, inspire maintenant la majorité des chercheurs. Il s'agit, d'une part, de déterminer les circonstances qui favorisent l'action des virus (on connaît déjà le rôle de molécules comme divers goudrons) ; d'autre part, d'identifier le virus lui-même. Cette identification n'a été réalisée avec certitude que pour des virus animaux. Mais au cours de réunions de cancérologie tenues en 1971, plusieurs spécialistes ont confirmé les soupçons qui pèsent sur des virus du type herpès, tenus pour responsables des cancers du rhino-pharynx et du col de l'utérus.

Les virus cancérogènes sont des virus à ARN. Grâce à une enzyme contenue dans le virus lui-même, cet ARN s'incorporerait à l'ADN de la cellule infectée, la transformant en cellule cancéreuse. Le changement se ferait au niveau de la membrane cellulaire. Dans une culture de cellules, celles-ci cessent de se diviser dès qu'elles sont en contact les unes avec les autres. L'ADN viral supprimerait cette inhibition de contact, d'où une prolifération anarchique des cellules. L'objectif actuel de la recherche est d'élucider les caractères biochimiques de la membrane cancéreuse, ce qui pourrait ouvrir la voie à une nouvelle thérapeutique.

En attendant, la médecine enregistre ses premiers succès dans une forme de cancer qui jusqu'ici résistait à toute thérapeutique : la leucémie. Selon le professeur Jean Bernard, on guérit actuellement 2 à 3 % des malades.

Biologie

Première synthèse de l'hormone de croissance

Deux biologistes de l'Hormone Research Laboratory de l'université de Californie, C-H Li et D. Yamashiro, ont réussi la synthèse de l'hormone de croissance, ou somatotrophine (STH). Sécrétée par le lobe antérieur de l'hypophyse, la STH agit sur la multiplication des cellules, et par suite sur la croissance. C'est donc elle qui est responsable de notre taille : des dérèglements dans sa sécrétion provoquent soit le nanisme, soit le gigantisme. Elle contrôle aussi en partie notre poids. Son action s'étend encore à la sécrétion du lait, au taux de cholestérol dans le sang, à la couleur de la peau.

Le Dr LI et ses collègues avaient isolé cette hormone — une protéine — en 1956 et ils avaient déterminé sa structure chimique en 1966.

La molécule de l'hormone de croissance est une chaîne de cent quatre-vingt-dix-huit acides aminés, attachés les uns aux autres comme les wagons d'un train : cette chaîne présente deux boucles. Pour réussir cette synthèse, il fallait déterminer l'ordre exact des acides aminés, puis reproduire ceux-ci à partir des éléments qui les composent. On a ensuite enchaîné les acides aminés les uns aux autres en s'aidant d'ancrages de plastique. La chaîne ainsi réalisée se replie d'elle-même.

Cette synthèse, annoncée le 7 janvier 1971, offre un grand intérêt médical : depuis dix ans environ, l'hormone de croissance est utilisée pour permettre aux enfants atteints de nanisme d'avoir une taille normale. Or, jusqu'ici, cette hormone était extraite des hypophyses de cadavres, ce qui limitait les quantités disponibles. L'hormone de croissance extraite d'hypophyses animales est, en effet, sans action sur l'organisme humain. Il est possible que ce succès intéresse aussi les recherches sur le cancer, car l'hypophyse pourrait jouer un rôle dans cette maladie. De plus, les chercheurs, disposant de quantités suffisantes de STH synthétique, détermineront peut-être le mécanisme par lequel chaque individu grandit jusqu'à une certaine taille, sans la dépasser.

Des acides aminés extra-terrestres

En analysant des fragments prélevés sur une météorite tombée récemment en Australie, le biochimiste cinghalais Cyril Ponnamperuma, qui travaille au service d'exobiologie de la NASA, y a découvert des traces d'acides aminés. On avait déjà trouvé dans des météorites des composés divers relevant de la chimie organique. Mais c'est la première fois qu'on identifie dans un objet venu de l'espace cosmique des molécules d'intérêt biologique aussi grand que des acides aminés, dans des conditions qui excluent tout soupçon de contamination terrestre.