Les disques sont un important moyen de diffusion. Beaucoup d'artistes ne sont connus que par ce truchement, car ils ne se sont pas encore produits sur les scènes du vieux continent. Le plus fameux, Elvis Presley, n'a rien perdu de son immense popularité et si les extrémistes de la pop d'avant-garde le surnomment le pape du rock dollar, il est souvent en tête des listes du hit parade lorsqu'un de ses disques est en compétition. Parmi les groupes qui figurent régulièrement aussi aux premières places et qui n'ont pas été souvent vus en Europe, citons Led Zeppelin, Jackson 5 et Crosby, Still, Nash and Young, tout comme le chanteur James Taymor.

Rééditions

Événement significatif qui concerne le jazz : la place de plus en plus importante tenue dans les catalogues par des rééditions de l'œuvre de grands personnages du passé. En France, une série de 18 microsillons a été consacrée à Django Reinhardt et Fats Waller a été honoré d'un coffret de 5 disques. Mais c'est aux États-Unis que John Hammond a entrepris une édition d'un très grand intérêt : la publication de l'intégrale des pièces gravées par le grand Bessie Smith (160 thèmes en 10 disques).

Au moment où l'influence du blues est plus étendue que jamais, il est passionnant de pouvoir remonter aux sources mêmes. Souhaitons que parmi les noms qui figurent aujourd'hui en tête des affiches et des hit parades, il en est qui connaissent dans cinquante ans une preuve aussi irréfutable de leur pérennité.

Théâtre

Les prévisions ont été bouleversées

Enfin délivrés, en 1970, de taxes abusives dont l'origine remontait à l'Ancien Régime, qui considérait les spectacles comme des divertissements profanes un rien scandaleux, les directeurs de théâtre auront tout de même eu la vie dure cette saison. Nombreux furent les échecs brutaux, préparés par une critique impitoyable ou décontenancée. Le phénomène est d'autant plus remarquable que les fours ont frappé des pièces très différentes, ainsi que des auteurs ou des salles d'ordinaire assez régulièrement mariés avec le succès.

Le plus malchanceux fut sans doute Pierre Cardin, nouveau propriétaire du théâtre des Ambassadeurs, qui n'a guère été payé de ses efforts. En dépit du luxe déployé dans cet Espace remis à neuf, son spectacle inaugural, inspiré de Roger Vitrac, avait l'air d'être mené par des amateurs, et la représentation des Bonnes de Jean Genêt, dans la mise en scène mal francisée de Victor Garcia, fut une patente catastrophe.

Le Boulevard n'a pas été davantage épargné. Coup sur coup, par exemple, le théâtre de la Michodière dut supporter l'échec d'une pièce policière d'Anthony Schaffer, et celui d'une comédie de Jean-Claude Carrière, l'auteur naguère heureux de l'Aide-Mémoire, alors que Françoise Sagan voyait s'évanouir, après quelques semaines, le public de son Piano dans l'herbe, à l'Atelier ; on la trouvait trop semblable à elle-même, sans doute, avec ses créatures nonchalantes et joliment désinvoltes. Une fois de plus, à l'exemple exceptionnel de Hair et du Violon sur le toit, des producteurs optimistes ont voulu tenter l'impossible adaptation des comédies musicales américaines en France. Sweet Charity, pourtant servie avec vaillance par Magali Noël, n'aura laissé qu'un éphémère souvenir, ainsi que le frêle équipage féminin de Dames at sea, qui a sombré corps et biens après un mois de navigation.

Classiques boudés

L'académicien Eugène Ionesco lui-même, dont on pouvait croire qu'il avait à présent une position assise, n'a pas davantage attiré ses admirateurs au théâtre Montparnasse. Jeux de massacre, vaste machine sans charpente, a déçu, malgré la présentation superbe de Jorge Lavelli, le décor impressionnant de Pace et quelques très beaux moments de pure émotion dramatique. Jean-Louis Barrault, encouragé par le triomphal accueil de son Rabelais, a voulu rééditer la même aventure avec le Père Ubu, sur le ring de l'Élysée-Montmartre. Mais Jarry sur la Butte, spectacle peut-être trop savant, a laissé sur sa soif une jeunesse venue pour s'esbaudir, et qui a trouvé une sorte de messe à la place de la fête qu'elle attendait. D'autres classiques n'ont pas été mieux défendus, pour d'autres raisons. Ainsi Jean-Louis Trintignant, depuis dix ans, caressait le rêve d'endosser à nouveau le pourpoint noir d'Hamlet. Si son interprétation sèche, contenue, a paru satisfaisante, il a cru qu'il pourrait jouer le Grand Will tout seul ; la médiocrité de ses partenaires aura suffi à ruiner l'entreprise. Après Oh ! America, piètre carnet de voyage aux images de cartes postales vaguement hippies, Antoine Bourseiller s'est également fait plaisir en présentant son Misanthrope à Marseille, puis à l'Odéon. Un Alceste raisonneur et neurasthénique, affligé d'une Célimène ânonnante, était-ce une nouveauté si profonde qu'elle méritât les soins d'une mise en scène plus riche d'intentions que de réussites ?