Journal de l'année Édition 1969 1969Éd. 1969

Les conflits

Viêt-nam

Des combats de plus en plus sanglants ; des négociations qui traînent en longueur. L'année vietnamienne, malgré l'arrêt des raids contre le Nord, malgré l'ouverture de négociations à quatre, malgré les multiples propositions faites par les parties en cause, aura été une nouvelle année de guerre. Mais derrière ou à travers la bataille, derrière et à travers les stériles séances de la conférence de Paris, des accords s'ébauchent peu à peu entre les adversaires, la paix progresse à pas lents, hésitants, comme sur un terrain semé de mines et d'embûches.

Les négociations pour la paix

Le cérémonial ne change pas. Tous les jeudis, vers 10 h 30, les quatre délégations de la conférence de Paris sur le Viêt-nam arrivent à l'ancien hôtel Majestic, avenue Kléber. Elles s'assoient autour dune vaste table ronde. L'un après l'autre, chaque chef de délégation — l'Américain, le Nord-Vietnamien, le Sud-Vietnamien, le représentant du Front national de libération — prend la parole. Il pose des questions auxquelles son adversaire répond par d'autres questions. Un dialogue de sourds. Dans l'après-midi, en règle générale, on se sépare et tout le monde se rend au centre de presse de l'avenue de Ségur. Là, une fois de plus, le porte-parole de chaque délégation expose la thèse de son pays, accuse plus ou moins ses partenaires de mauvaise foi et répond — à côté — aux questions des journalistes.

Écran et reflet

Tel est donc le cérémonial de la conférence de Paris, ou tout au moins l'image qu'elle donne au monde.

En fait, pour comprendre, sinon les négociations elles-mêmes, tout au moins leur sens, il est essentiel de noter d'abord que, pour la première fois dans leur histoire, les États-Unis sont affrontés à trois délégations asiatiques, dont les catégories de pensée et d'action sont différentes de celles des Occidentaux, ensuite que l'imbroglio vietnamien est tel que, tout en négociant et donc en faisant des concessions, nul ne peut se permettre de perdre la face. D'où la subtilité extrême de cette conférence, à la fois écran et reflet de la réalité.

Les mois de juillet et août donnent le ton. Américains et Nord-Vietnamiens se réunissent déjà depuis le mois de mai 1968, à la suite de l'arrêt partiel des raids décidé par le président Johnson. Mais, bien vite, les conversations piétinent.

Les Nord-Vietnamiens ne cessent de répéter qu'aucun progrès sérieux ne peut être réalisé si, d'une part, Washington n'ordonne pas un arrêt total des raids et si, d'autre part, le FNL ne participe pas aux conversations.

Les Américains, de leur côté, n'excluent pas une cessation des bombardements, mais à condition d'être assurés qu'une telle décision constitue un pas vers la paix, c'est-à-dire que Hanoi s'engage, au moins tacitement, à réduire le rythme des attaques des forces communistes ou procommunistes. De même, ils ne rejettent pas une participation du Front, mais à condition que des discussions efficaces s'engagent et que, bien sûr, le gouvernement sud-vietnamien (qualifié de « fantoche » par Hanoi) y soit présent.

Une négociation très dure commence, d'autant plus que les États-Unis sont obligés de compter avec les vives réserves de Saigon. Mais, finalement, le 31 octobre 1968, après des semaines de consultations, le président Johnson annonce l'arrêt total des raids et l'ouverture de négociations à quatre qu'il espère « rapides, fructueuses, sérieuses ».

La comédie des tables

Les espoirs du président américain seront quelque peu déçus. D'abord, le président sud-vietnamien, Thieu, que l'on croyait sinon acquis, du moins résigné, se fait de nouveau prier pour envoyer une délégation à Paris ; ensuite, pendant plusieurs semaines, d'interminables discussions se déroulent sur la forme de la table de la conférence : ronde ? avec séparation ? sans séparation ? ovale ? en double demi-lune ? en quadruple rectangle ? etc. L'enjeu de cette ébénisterie politique : le statut du Front parmi les autres délégations.

En fin de compte, c'est autour dune simple table ronde que les délégations prennent place, le 25 janvier 1969, pour la séance solennelle d'ouverture de la conférence de Paris sur le Viêt-nam.

Proposition FNL

Très vite, les discussions piétinent. Mais les apparences sont trompeuses : peu à peu, on progresse.