Après les événements de mai 1968 déjà, le nombre des assistants techniques français envoyés outre-mer avait sensiblement diminué et les dirigeants du Sénégal et de Madagascar notamment, les plus directement touchés, s'étaient inquiétés. Les menaces qui pèsent sur le franc concernent évidemment le franc CFA, qui lui est rattaché, et toute l'Afrique suit avec attention l'état de santé de la monnaie française.

Politiquement, le départ du général de Gaulle ne peut pas rester sans conséquences pour les chefs d'État, qui entretiennent tous des liens personnels avec lui. Même si personne ne songe à une remise en cause de la coopération, même si certains pensent qu'elle peut être réorganisée en vue d'une plus grande efficacité, tous admettent qu'aucun homme politique français n'a une stature africaine comparable à celle du président sortant. Chacun en tire donc des conclusions relativement pessimistes pour l'avenir que G. Pompidou semblerait démentir.

L'aide militaire

La disparition juridique du cadre de la Communauté, qui n'avait jamais été ressentie aussi longtemps que le général de Gaulle était à la tête de l'État, apparaît dans toute son ampleur. Les projets de création d'une communauté francophone, estiment quelques-uns de leurs promoteurs africains, risquent de n'être menés à leur terme qu'au prix de grandes difficultés.

Enfin, certaines formes spécifiques de la coopération — dans le domaine militaire notamment — semblent à ceux des États francophones qui ont à faire face aux plus sérieuses difficultés internes (Tchad ou République centrafricaine, par exemple) courir le risque d'être frappées de paralysie.

La francophonie

Pour la première fois dans l'histoire se tient, en février 1969, à Niamey, une conférence des pays entièrement et partiellement de langue française. En dépit de quelques absences, dont celles de l'Algérie et de la Guinée, de la Mauritanie et de la Suisse, la présence d'une trentaine de délégations constitue un événement important.

À l'issue des travaux de la conférence, une agence de coopération culturelle et technique est créée. C'est à un Canadien, Jean-Marc Léger, qu'est confié le secrétariat exécutif provisoire, dont le siège est à Paris. Malgré quelques controverses de caractère mineur entre Québécois et Canadiens, les assises de Niamey se terminent donc sur un succès.

C'est l'aboutissement de projets dont l'initiative revient notamment à L. Senghor, président de la république du Sénégal, et à Habib Bourguiba, chef de l'État tunisien. Zélé propagandiste de ce qu'il appelle lui-même « la francité », le poète-homme d'État sénégalais partage, en effet, avec le « combattant suprême » la responsabilité des premières démarches destinées à organiser le monde francophone.

Depuis 1964, de nombreux chefs d'État africains ont fait connaître leurs sympathies pour la francophonie. Seuls, les présidents Boumediene (Algérie) et Sekou Touré (Guinée), et, avec plus de nuances, les présidents Ahidjo (Cameroun) et Ould Daddah (Mauritanie) ont exprimé des réserves.

Projet de communauté...

En mars 1966, un haut comité pour la défense et l'expansion de la langue française avait été créé à Paris auprès du Premier ministre. Trois mois plus tard, lors d'une conférence tenue à Tananarive, les chefs d'État de l'OCAM avaient chargé leurs collègues Senghor et Diori Hamani (Niger) de prendre les contacts nécessaires à la réalisation d'un projet de « communauté francophone ».

Diori Hamani avait alors l'occasion d'effectuer plusieurs missions en Afrique et de rencontrer à plusieurs reprises le général de Gaulle pour lui faire part des intentions de ses amis.

Le 5 mai 1967 se constituait le Conseil international de la langue française, et le 18 mai l'Assemblée de l'association des parlementaires de langue française. Deux mois après le voyage au Canada du chef de l'État français avait lieu au Québec une biennale de la langue française. L'idée francophone était en marche. On devait en débattre au cours de nombreuses rencontres interafricaines et lors de deux réunions des ministres de l'Éducation nationale des pays africains francophones (Libreville, février 1967, et Kinshasa, janvier 1968), auxquelles avait été conviée une représentation québécoise.

... acceptable par tous

Les événements de mai 1968 retardèrent quelque peu la tenue de la conférence de Niamey, dont la préparation fut minutieuse. Mais lorsqu'elle put enfin se réunir, les experts avaient disposé d'un temps suffisant pour présenter aux délégations des projets acceptables par tous. Les 210 millions d'habitants qui, à travers le monde, d'Haïti à l'île Maurice et de Belgique au Congo-Kinshasa, sont intéressés au développement de la francophonie vont pouvoir bénéficier d'une expérience inédite d'aide multilatérale.