Lundi 25 novembre 1968. Le spectre de la crise monétaire s'est éloigné. Le franc ne sera pas dévalué. La Bourse, fermée depuis le 20, ouvre à nouveau ses portes.

La liquidation de janvier, très largement gagnante, et la vente d'actions Saint-Gobain depuis longtemps détenues en portefeuille, ont provoqué un afflux de disponibilités qui cherchent à se remployer sur le marché. Dès lors, la hausse se nourrit elle-même suivant un processus cumulatif auquel contribue l'essor extrêmement rapide des SICAV. La confiance en la monnaie restant limitée, les investisseurs et les épargnants évitent de rester liquides. Tandis que la hausse s'amplifie, les marchés s'étoffent, au comptant notamment, et le volume quotidien des transactions évolue en février autour de 200 millions de francs.

Si les incertitudes sociales de mars 1969 semblent peser un instant sur la Bourse, devant la perspective d'une grève générale le 11, l'échec relatif de ce mouvement permet au marché de poursuivre son avance, stimulé par la tension monétaire internationale persistante. Les valeurs françaises ne sont pas les seules à profiter de l'heure faste. L'or, la rente Pinay et les titres étrangers sur lesquels la prime dépasse fréquemment 20 % sont également fermes.

Bonnes perspectives

Parallèlement, les sociétés, dont l'excellente activité ne se dément pas grâce à la pression de la demande intérieure, commencent à publier les résultats de l'exercice écoulé. Contrairement à ce que l'on pouvait légitimement craindre huit mois plus tôt, ceux-ci sont généralement bons, parfois même excellents, grâce au rattrapage accéléré du second semestre 1968.

L'échec du référendum d'avril et le départ immédiat du chef de l'État sont suivis d'un cours record sur le lingot, à 7 845 F, et d'une poussée de hausse sur les valeurs françaises. Préludant aux élections présidentielles, mai 1969 voit l'ordre respecté. Jouant un gouvernement de tendance libérale, la Bourse est rassurée. Le premier tour des élections confirmant la nette avance de Georges Pompidou, l'indice atteint le niveau 650, le plus élevé depuis janvier 1964.

Marché fragile

La reprise est de l'ordre de 35 % depuis le début de l'affaire Saint-Gobain ; elle dépasse 40 % par rapport à juillet 1968. Son importance même, sans véritable phase de consolidation, rend le marché vulnérable. Pour la première fois de l'année 1969, la liquidation de juin ne sera pas gagnante. L'application plus rigoureuse du contrôle des changes, le sévère encadrement du crédit et la cherté de l'argent, dont le taux atteint jusqu'à 10 % sur le marché monétaire — après l'augmentation à 7 % du taux de l'escompte de la Banque de France —, incitent à la réserve.

Les augmentations de chiffres d'affaires annoncées par les sociétés pour le premier semestre sont pourtant considérables, même si les pourcentages correspondants se trouvent faussés par la prise en compte du stérile mois de mai 1968.

Les déclarations des présidents aux assemblées sont optimistes. Sauf événement majeur, 1969 devrait donc se solder par des résultats supérieurs à ceux de 1968. C'est là le meilleur soutien de la Bourse, l'aliment qui lui permettra de poursuivre son essor après le réveil de l'hiver 1968-69.

Commerce extérieur

Détérioration de la balance commerciale

La secousse sociale de mai-juin 1968 devait perturber sensiblement le cours satisfaisant des échanges et en altérer les perspectives jusque-là encourageantes. Cela se traduisit, sur le moment, par une chute vertigineuse des mouvements commerciaux avec l'extérieur, par de sérieuses pertes avoisinant 2,9 milliards de francs à l'exportation et 1,9 milliard à l'importation.

Dès la fin de la crise, il fallait faire en sorte que l'ampleur inévitable du déséquilibre des échanges extérieurs soit contenue au maximum, que soient limitées dans les prix à l'exportation les incidences — immédiates et sévères — du gonflement anormal des coûts de production provoqué par les fortes augmentations de salaires.

Sans plus attendre, le gouvernement français prend, fin juin 1968, une série de mesures temporaires :