Le rythme de la croissance, soit près de 9 %, est supérieur à l'objectif estimé du Ve plan, et les prix de gros, malgré l'enchérissement des coûts, ont reflété la vigueur de la concurrence en baissant de 2 %.

Plus nettement encore que les années précédentes — c'est là que se marquent les effets des événements de 1968 —, les faiblesses structurelles de l'Industrie chimique française se sont manifestées en plusieurs domaines.

Si les exportations vers l'étranger se sont accrues de 11,4 %, ce pourcentage a été inférieur à celui qui a été enregistré l'année précédente.

En revanche, les importations ont progressé d'un taux supérieur à celui de 1967 et supérieur à celui de la croissance des exportations (+ 18 %).

La balance des échanges avec l'étranger, qui était restée bénéficiaire jusqu'alors, quoique de moins en moins, est devenue déficitaire.

Une tendance centrifuge

Les associations entre chimistes français et chimistes allemands, qui ont marqué le mouvement de concentration en 1968-69 (Hœchst-Roussel Uclaf et Hœchst-Nobel Bozel), ont montré que le développement des possibilités de l'industrie française n'était possible, dans la plupart des cas, qu'au prix d'une intégration dans des entreprises beaucoup plus importantes et beaucoup plus riches que celles dont dispose l'économie française, à l'exception de Rhône-Poulenc.

Le groupe Rhône-Poulenc s'est d'ailleurs renforcé en fusionnant avec Progil, tandis que des négociations ont été nouées entre lui et Pechiney-Saint-Gobain. Parallèlement, les sociétés pétrolières liées à l'État (CFP, ERAP, Pétroles d'Aquitaine) ont passé une série d'accords sur la chimie.

Dans l'ensemble des productions, les matières plastiques ont continué à enregistrer des taux de croissance très élevés, qui montrent bien que ces produits nouveaux se font vite sur le marché une place de plus en plus grande.

Les caoutchoucs synthétiques ont également connu une progression vigoureuse (+ 16 %). Le secteur des engrais a progressé lui aussi plus que l'ensemble de la chimie.

La balance des échanges extérieurs de produits minéraux reste largement excédentaire. C'est au niveau de la chimie organique, et même de la para-chimie, que la situation s'est dégradée. Or, c'est là que se font à la fois les développements et les profits.

Il est typique de relever que les deux secteurs où la production nationale s'est fort accrue, les plastiques et les engrais, sont aussi ceux où les importations ont progressé plus que les exportations et où la balance des échanges est déficitaire. L'industrie chimique française court derrière son marché au lieu d'anticiper sur lui.

Textiles

Un bilan médiocre

Encore une année médiocre pour l'industrie textile : l'indice moyen de production pour 1968 reste inférieur de plus de 3 points à celui de 1966 et ne dépasse que de 3,3 celui de 1967.

En début d'année, pourtant, le raffermissement de la demande, le retour à un rythme normal d'approvisionnement par un commerce qui avait passé le cap de la TVA, tout cela incitait à un certain optimisme. Effectivement, les premiers mois connurent une certaine reprise. Les grèves de mai y mettent une fin brutale, et ce n'est qu'au cours du mois de juin que se produit le redémarrage. L'activité remonte ensuite à un niveau assez élevé, qui est maintenu jusqu'au début de 1969.

À ce moment, toutefois, aucune prévision à long terme ne peut être faite ; si les stocks restent relativement bas, si les commandes demeurent satisfaisantes, la demande intérieure, quoique soutenue, se trouve menacée par la politique d'austérité gouvernementale et l'on constate une évolution inquiétante du volume des importations.

Les résultats varient fortement selon les branches : bonne progression sur 1967 dans le peignage de laine (+ 15,2 %), le moulinage (+ 12,7 %), le tissage de soieries (+ 11,6 %), la production de fibres artificielles (+ 13 %) et synthétiques (+ 20,8 %) ; progression modeste pour le tissage (+ 1,4 %) et la filature (+ 2,6 %) de la laine, ainsi que pour la ficellerie-corderie (+ 3,1 %).

Un solde négatif

Ailleurs, c'est la stagnation ou le recul, spécialement pour le jute et le coton. Il faut d'ailleurs noter que seuls la production de textiles synthétiques ainsi que le moulinage et le tissage de soieries ont retrouvé, début 1969, leur niveau de 1966.