Un événement extérieur et l'évolution d'un des trois partis membres de la FGDS vont précipiter la dispersion. L'événement, c'est l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie qu'officiellement le PCF désapprouve et déplore, mais qui n'en provoquera pas moins une vive polémique entre communistes et socialistes — d'autant plus vive que nombre de dirigeants de la SFIO estiment que l'entente électorale avec l'extrême gauche leur a été défavorable. L'évolution est celle du parti radical qui, d'étape en étape, entraîné par son ancien président, Félix Gaillard, malgré les réserves de René Billères, s'éloignera de ses partenaires de la FGDS, pour devenir l'aile gauche du centrisme.

Les élections sénatoriales de septembre ont vu les communistes emporter, dans la région parisienne, plusieurs sièges ; les modérés, l'UDR, le centre et les Républicains indépendants progresser légèrement ou se maintenir ; et la gauche, fédérée ou non, perdre seule du terrain. Après ce scrutin, Gaston Monnerville a renoncé à briguer pour la dix-huitième année consécutive la présidence du Sénat, qui, le 3 octobre, a élu à sa place, au troisième tour, après bien des hésitations et par 135 voix sur 264 suffrages exprimés, un centriste plus connu dans les affaires européennes que dans la politique nationale, Alain Poher.

François Mitterrand a fait savoir le 6 octobre qu'il ne briguerait aucune fonction dans le futur parti. Guy Mollet prendra à son tour plus tard, le 9 décembre, le même engagement. La SFIO s'oriente de plus en plus vers un parti « résolument socialiste » sous la direction de Pierre Mauroy, sans se soucier des réserves, puis des objections de ses associés, et elle dresse, chemin faisant, l'acte de décès de la FGDS. F. Mitterrand se considère donc, le 7 novembre, comme « déchargé de ses fonctions de président » d'une Fédération qui achève dès lors rapidement de se disloquer. Il se replie sur la Convention des clubs, rejoint par certains éléments qui étaient demeurés jusque-là en marge des fédérés.

Au terme de cette dispersion, on verra, le même dimanche 4 mai, les socialistes, réunis en congrès à Alfort-ville, investir Gaston Defferre, préféré à Alain Savary, comme leur candidat à l'Élysée, tandis que les Conventionnels, siégeant dans une autre localité de la banlieue parisienne, à Saint-Gratien, réclament en vain des pourparlers en vue de la désignation d'un candidat unique. La veille, le PSU — avec lequel Pierre Mendès France a rompu au cours de l'été 1968 — a investi son secrétaire général, Michel Rocard. Le lendemain, les communistes choisiront de présenter Jacques Duclos, et le petit mouvement gauchiste héritier de mai, la Ligue communiste, alignera son leader, Alain Krivine. Quant au parti radical, il se rallie dès le premier tour à la candidature non de G. Defferre, qui fait pourtant figure de centriste dans la gauche, mais à celle d'Alain Poher. Au début de l'été 1969, F. Mitterrand, silencieux pendant la campagne présidentielle, entamera un tour de France pour plaider une unité qui n'a jamais paru aussi compromise depuis bien longtemps.

Vers le référendum

Du 1er juillet 1968, lendemain du triomphe électoral gaulliste, au 27 avril 1969, jour du référendum, une seule perspective domine toute la pensée du président de la République, explique toute l'action du gouvernement, obsède l'opinion, littéralement matraquée jour après jour d'informations, de débats, de démonstrations et d'invites, mobilise tout le personnel politique, dans la majorité comme dans l'opposition : la réforme des régions et du Sénat.

Le général de Gaulle a-t-il prévu et même préparé dès l'origine l'échec de cette consultation afin de ménager sa sortie de la vie publique et sa rentrée dans l'Histoire, comme l'affirmeront après l'événement certains de ses partisans ? A-t-il, au contraire, comme l'assurent ses adversaires, joué une fois de plus quitte ou double, espérant un « oui » qui lui laisserait les mains libres, et pas seulement pour la régionalisation, jusqu'au terme normal de son septennat en 1972 ? Ou bien faut-il croire ceux qui, dans l'un et l'autre camp, mêlant les deux explications, estiment qu'il a vraiment cru à la nécessité et à la possibilité des réformes qu'il proposait, mais qu'à l'approche du scrutin, dans les derniers jours, il s'est rendu compte que les chances de succès étaient fort réduites et a pris dès lors ses dispositions pour se retirer en cas d'échec ?