Au Conseil national du patronat français (CNPF), les jeunes managers ont également secoué les vieilles structures ; une réforme des statuts du CNPF devrait intervenir avant la fin de 1969. Le vote de la loi sur la reconnaissance des droits syndicaux dans les entreprises pourrait également contribuer à l'évolution des relations industrielles en France. Développement du rôle des dirigeants d'entreprise formés aux techniques modernes de gestion et du rôle des syndicats dans l'entreprise : autant de signes d'une modernisation de l'industrie française.

Cela ne va pas sans creuser l'écart avec la petite et moyenne entreprise traditionnelle. Aussi n'est-ce pas un hasard si la première grande grève de l'année 1969 n'a pas été le fait des ouvriers, mais celui des artisans et des commerçants. Accablés par une fiscalité plus complexe encore que lourde ; menacés par les formes nouvelles de distribution, comme les supermarchés, et par la concurrence étrangère ; soumis à de nouveaux systèmes de garanties sociales, dont ils ressentent les charges avant de voir les avantages, ces catégories sociales se rebellent à leur tour contre une évolution trop rapide.

Les problèmes de l'économie française ne se résument donc pas dans l'avenir du franc. Celui-ci ne sera finalement que la résultante des forces antagonistes qui travaillent dans ses profondeurs une société en mutation.

Les concentrations en France : un mouvement en profondeur

La concentration des entreprises industrielles s'est sensiblement accélérée en France au cours de l'année 1968 et des premiers mois de 1969.

Le mouvement affecte surtout les grandes entreprises industrielles soucieuses d'atteindre la dimension internationale. Le mouvement a été largement influencé par le développement conjoint de la concentration dans la banque et dans la distribution.

Rôle des banques

La fin du cloisonnement entre la banque d'affaires et la banque de dépôts a eu pour conséquence que la première tire de nouveaux moyens financiers des dépôts, et que la seconde trouve de nouvelles participations industrielles. L'une et l'autre ont désormais les mêmes ambitions : susciter et mener à bien des concentrations industrielles.

Les grandes banques d'affaires (Paris et Pays-Bas, Union européenne, Union bancaire et industrielle) se sont transformées en banques de dépôts. On a vu, d'autre part, la Banque de Paris et des Pays-Bas et le groupe Suez se disputer les guichets du Crédit industriel et commercial, pour, finalement, le contrôler à eux deux.

La pratique de l'offre publique d'achat (ou OPA), ainsi que la relance des introductions en Bourse (liée à la reprise de cette dernière) contribuent à accroître l'impact de la banque sur les structures industrielles. L'OPA lancée, sans succès, au début de 1969, par BSN sur Saint-Gobain s'est faite par l'intermédiaire de grandes banques (notamment Lazard et Paribas).

Commerce intégré

Le rôle du commerce concentré a été très important dans la distribution. Le commerce intégré entraîne à rationaliser et à systématiser selon les standards de la production industrielle.

En 1968, le rôle directeur en matière de prix et de mode est passé du commerce dispersé au commerce concentré. On a vu Carrefour contre Nouvelles Galeries à Annecy, Carrefour contre Casino à Bayonne, Record, Docks de France et Monoprix à Tours, Parly II, Monoprix et SUMA près de Trappes, Goulet-Turpin et Docks rémois à Reims, etc.

Déséquilibre dynamique

Le mouvement de concentration, au cours de l'année 1968, a été d'abord animé par les entreprises elles-mêmes.

Pour prospérer, l'entreprise individuelle doit constamment chercher, au niveau de son activité particulière, à tirer le meilleur parti des facteurs de son activité. Certains facteurs échappent à son contrôle (salaires, fiscalité, prix des matières, loyer de l'argent, pouvoir d'achat). L'entreprise, toutefois, conserve la maîtrise d'autres facteurs, ou, en tout cas, leur combinaison relève de son initiative.

Ces principaux facteurs portent sur la technologie, le marché et le financement. Ils composent ce que l'on pourrait appeler un déséquilibre dynamique qui constitue le moteur de la croissance. Celle-ci prend en France, pour l'instant surtout, le chemin de la concentration. On peut dire, d'une autre manière, qu'une entreprise grandit en en absorbant une autre.

Taille critique

Le progrès des techniques impose d'employer des outils de production à très haute productivité.