En France, ce sont les rapports entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée qui ont suscité des débats parfois vifs. À l'époque où il était ministre chargé de la Recherche et des Questions atomiques et spatiales, Robert Galley a affirmé la nécessité de contenir dans certaines limites les dépenses non immédiatement productives, au profit de travaux plus rentables et créateurs d'emplois.

La « mégascience »

Lors de l'inauguration de l'accélérateur linéaire de L'Orme-des-Merisiers (19 février 1969), le directeur de la physique au Commissariat à l'énergie atomique, Abragam, a souligné que « la technologie la plus avancée de 1969 vit aujourd'hui sur des concepts, des théories et des résultats de la recherche fondamentale des années trente et quarante », et à ceux qui refusent toute utilité aux recherches fondamentales coûteuses, dont personne n'imagine aujourd'hui les applications pratiques, il a rappelé cette phrase de lord Rutherford, un des plus grands physiciens nucléaires, prononcée en 1934 : « Ceux qui s'imaginent tirer un jour de l'énergie des atomes déraisonnent. »

La mise en service de l'accélérateur de L'Orme-des-Merisiers prouve assurément que la France ne renonce pas à la recherche fondamentale, dont cette machine est un instrument typique. Destiné à accélérer jusqu'à 600 MeV (millions d'électrons-volts) des électrons négatifs ou positifs, il possède un cycle utile (c'est-à-dire une durée réelle d'application du faisceau de particules sur la cible) jusqu'à 50 fois supérieur à celui des machines récentes de même type.

La France a fortement contribué à sauver le projet du grand accélérateur européen, menacé d'abandon à la suite de la défection financière britannique. Toutefois, le conseil du CERN, lors de sa réunion en juin 1969, n'a pas encore pu mettre à son ordre du jour le choix définitif du site.

Par ailleurs, quelques physiciens — peu nombreux il est vrai — mettent en doute l'efficacité des sacrifices consentis à ce qu'on a appelé la « mégascience ». Ils rappellent que les particules du rayonnement cosmique, si elles ont l'inconvénient de n'être disponibles ni à volonté ni en faisceaux intenses, sont souvent animées d'énergies très supérieures à celles qui seront jamais atteintes dans nos accélérateurs, et qu'il vaut mieux peut-être perfectionner les procédés d'étude du rayonnement cosmique pour trancher les problèmes toujours pendants sur la structure intime de la matière et l'origine de l'Univers.

Ralentissement généralisé

C'est aussi l'énormité des crédits réclamés par les spécialistes qui a poussé les États-Unis à réduire leurs projets antérieurs d'exploration du système solaire, en concentrant leurs efforts sur la conquête de la Lune. Le ralentissement du taux d'expansion de la recherche (mesuré à l'accroissement des dépenses) a été général dans les pays occidentaux en 1968-69. Seule y a échappé dans une certaine mesure l'Allemagne fédérale, entrée un peu plus tard dans la course à l'espace et à l'exploitation de l'énergie nucléaire.

Les embarras monétaires auxquels doivent faire face ces pays (sauf justement l'Allemagne) ne sont qu'une des causes de ce ralentissement. Les dépenses de la recherche sont les plus faciles à comprimer ; les effets des restrictions dans ce domaine ne se sentent guère dans l'immédiat. C'est ainsi qu'a été abandonné par la France le projet du satellite franco-soviétique. Mais une cause plus générale du coup de frein à l'expansion de la recherche réside dans un certain déséquilibre entre la rapidité des découvertes et leurs possibilités d'application. Des applications techniques se trouvent ainsi dépassées avant d'avoir été amorties.

Demain, l'ordinateur

Un bilan de l'évolution récente des sciences et des techniques montre, en outre, que c'est dans le domaine de l'informatique que les progrès s'annoncent les plus rapides. Nous sommes sur le point d'assister à une véritable mutation dans de nombreux aspects de la civilisation contemporaine. Le time-sharing, ou temps partagé, les dispositifs de la téléinformatique mettront l'ordinateur au service des petites et moyennes entreprises, et même des particuliers qui pourraient en avoir besoin. Il suffira d'une rapide initiation aux « langages » des ordinateurs (eux-mêmes en voie de perfectionnement) pour permettre à chacun de devenir son propre programmeur.