Au cours de la saison, malgré pas mal de déceptions, la télévision remplit plusieurs fois brillamment son rôle essentiel de témoin de l'événement. Que ce soit en août à Prague, lors des jeux Olympiques de Mexico en octobre ou pendant l'opération Apollo 8 en janvier, c'est dans la fonction du reportage qu'elle se justifie le plus. Ceux qui ont pu voir, en direct de la cabine spatiale, les cosmonautes américains en voyage vers la Lune ne sont pas prêts de l'oublier. Ces images nettes de la Lune, de la Terre et de l'intérieur de la capsule restent une des plus grandes prouesses accomplies en matière de télévision.

De telles perfections techniques laissent entrevoir ce que devrait être cet extraordinaire moyen de culture et de distraction. Mais pour l'instant 30 millions de téléspectateurs attendent des jours meilleurs.

Une troisième chaîne

Au cours d'une table ronde, en avril, Jean-Jacques de Bresson, directeur général de l'Office, annonce incidemment que le lancement d'une troisième chaîne pourrait être envisagé en octobre 1970. Cette chaîne aurait une mission essentiellement culturelle et diffuserait, chaque semaine, 20 heures de programme. La nouvelle a été confirmée en mai.

La guerre des radios

En 1968, la direction de l'ORTF avait décidé de concurrencer les stations périphériques de radio. Elle a, au début, toutes les raisons d'être satisfaite. Le remaniement complet de France-Inter (politique de programmes, moyens techniques et financiers, lancement de quelques présentateurs vedettes) porte ses fruits, puisque la chaîne nationale bénéficie de plus de 45 % de l'écoute. 29 % vont à Europe no 1 et moins de 25 % à Radio-Luxembourg.

Retour à la normale

Après les événements de mai et la grève des journalistes, l'écoute de France-Inter tombe, fin juin, à moins de 5 %. Puis, la vie normale reprenant, les différences sont nivelées sensiblement. Au printemps 1969, on note une nette remontée de RTL (32 %), devant Europe no 1 (28 %) et derrière France-Inter (38 %) revenu en tête.

Est-ce là le reflet de la popularité de quelques rescapés de la télévision (Anne-Marie Peysson, Roger Couderc, Gérard Klein), des qualités professionnelles de quelques animateurs (Georges de Caunes, Jean Bardin, Philippe Bouvard) ou de l'intérêt que porte le public à certains chroniqueurs (Guillaume Hanoteau, Jean Ferniot, Raymond Cartier) et aux conseils quotidiens de Ménie Grégoire ? Le fait est que les concurrents, sans être réellement inquiets, sont attentifs. Europe no 1 cherche à renouveler quelque peu sa formule en s'assurant le concours de personnalités appréciées des auditeurs (François Chalais, Me René Floriot, Jean-Pierre Chabrol, Marielle Goitschel, Robert Chapatte). Elle accueille aussi de jeunes talents (Michel Lancelot, promoteur de Campus, Dialogue sur le campus et du fameux Radio-psychose, qui fait couler tant d'encre) ou confie une tranche horaire régulière à un journaliste (Pierre Bouteiller : Je sors pour vous). France-Inter, en la personne de Roland Dhordain, nouveau directeur de la Radiodiffusion nationale, accorde plus de place au contact avec le public, organise des soirées composées, introduisant la notion de spectacle radiophonique, et modifie la grille des programmes.

Un élément technique intervient aussi dans le combat entre les différentes chaînes. Il n'y a réelle concurrence que dans les régions où les trois stations de plus forte écoute sont reçues de façon comparable. C'est la région parisienne qui semble, à cet égard, la plus représentative. L'entrée dans la lutte de chaînes comme Radio Monte-Carlo ou la station d'Andorre Sud-Radio reste, bien évidemment, exclusivement locale. Et c'est France-Inter qui, sur le plan technique semble le plus favorisé.

Mais, quel que soit le vainqueur de cette guerre des radios, un fait est certain : depuis mai 1968, la radio a repris de l'importance dans la vie des Français. En partie à cause d'une habitude contractée pendant les événements, puisque à ce moment-là, transistor à la main, ils étaient à l'écoute vingt-quatre heures sur vingt-quatre : chez eux, dans la rue, au bureau, sous les pavés ou au milieu des gaz lacrymogènes. En partie sans doute parce que le programme télévisé reste souvent sans attrait et que les directeurs des stations radiophoniques ont su tirer partie de cette situation.

Chansons

Pas d'étoile parmi les talents nouveaux

Où en sont les grands de la chanson ? Le tour de chant de l'auteur-compositeur-interprète continue à remplir les salles. Le passage de Félix Leclerc à Bobino coïncide avec la réédition en sept microsillons de ses belles chansons d'air pur et de lyrisme viril. Dans la même salle, Léo Ferré se trouve un public furieusement enthousiaste parmi les « enfants du mois de mai » en célébrant les Anarchistes et l'Été 68. Ses disques apportent aussi ses mélancolies : la Nuit, les couplets dédiés à Pépée, la guenon disparue, et l'éternelle chanson d'amour, À toi.