Journal de l'année Édition 1967 1967Éd. 1967

Politique étrangère

OTAN

La France se sépare de l'organisation militaire

Pour la France et l'OTAN, les années 1966 et 1967 resteront comme la période de la séparation. Certes, depuis 1958, le général de Gaulle avait fait plusieurs fois allusion à la nécessité que « la défense de la France soit française », à l'obligation pour la France « de garder sa volonté, sa figure et son armée à elle ». Il n'en avait cependant pas tiré jusque-là de conclusions précises sur la marche qu'il entendait suivre.

C'est dans sa conférence de presse du 21 février 1966 que le général de Gaulle leva le voile sur ses intentions. Ce jour-là, il annonça, en effet, sa détermination de « rétablir une situation normale de souveraineté dans laquelle ce qui est français en fait de sol, de ciel, de mer et de forces, et tout élément étranger qui se trouverait en France, ne relèveront plus que des seules autorités françaises ». Cette récupération de souveraineté devrait avoir eu lieu avant le terme ultime des obligations de la France, c'est-à-dire avant le 4 avril 1969, vingtième anniversaire de la signature du traité de l'Atlantique Nord.

Adaptation nécessaire

Le général de Gaulle prit bien soin de préciser dans sa conférence de presse qu'il ne se retirait nullement de l'Alliance atlantique, mais seulement de son organisation militaire. « Il s'agit là non point du tout d'une rupture, mais d'une nécessaire adaptation », fit-il valoir, car « rien ne peut faire qu'une alliance demeure telle quelle quand ont changé les conditions dans lesquelles elle a été conclue ». De ces changements, le président de la République en a souligne trois : l'évolution intérieure et extérieure des pays de l'Est, qui ne menacent plus le monde occidental ; le développement de l'armement nucléaire soviétique, qui a rendu « indéterminées les décisions des Américains quant à l'emploi éventuel de leurs bombes », et les risques, pour la France, d'être entraînée par les États-Unis et malgré, sa volonté dans « des conflits où l'Amérique s'engage dans d'autres parties du monde, comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd'hui au Viêt-nam ».

Ces trois points constituent, en fait, une critique globale de la politique des États-Unis, accusés de vouloir maintenir, grâce à leur monopole nucléaire, leur hégémonie sur leurs partenaires atlantiques et de vouloir transformer l'Europe, dans l'hypothèse d'un affrontement avec l'URSS, en un glacis de l'Amérique. La théorie de la riposte graduée, en vigueur chez les stratèges américains, prévoit, en effet, l'utilisation des armes et des troupes conventionnelles avant un recours aux grands moyens, c'est-à-dire aux armes nucléaires.

Le désengagement

Dans un premier stade, affirment les exégètes du général de Gaulle, une telle tactique aurait pour effet de transformer une nouvelle fois l'Europe en un champ de bataille, sans que les agresseurs éventuels aient à craindre des représailles jusque sur leur territoire.

Mal accueillie aux États-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne et, à des degrés moindres, par les onze autres alliés atlantiques, la conférence de presse du général de Gaulle n'en marqua pas moins le début d'un processus qui allait se développer très rapidement. Le 21 février, le président de la République s'adressait à l'opinion française et internationale. Des le 7 mars, il allait faire part officiellement de ses desseins au président Johnson dans une lettre qui précise une fois de plus qu'il s'agit seulement de « modifier la forme de notre alliance sans en altérer le fond ».

Comme on pouvait s'y attendre, le chef de la Maison-Blanche ne se déclara nullement convaincu par les arguments français, et la contestation du monopole atomique américain ne trouva aucun écho dans sa réponse. Simplement, Johnson exprima la crainte que « ceux qui espèrent la désunion de l'Occident ne soient encouragés » par l'initiative française, mais souhaita que la France ne reste pas « longtemps à l'écart des affaires communes et des responsabilités atlantiques ».

Précisées par des notes ultérieures aux quatorze autres membres de l'OTAN, les demandes françaises peuvent se ranger en trois catégories. Elles étaient presque toutes entrées dans les faits au début de 1967.

Sur demande expresse

Le sort des organismes militaires intégrés : tout le personnel français affecté à ces organismes — SHAPE, commandement Centre-Europe, commandements Centre, Sud, Sud-Est Europe, Méditerranée, Manche, commandement suprême de Norfolk (Virginie), etc. — a été retiré dès le 1er juillet 1966. Deux exceptions notables ont cependant été accordées : des officiers de liaison ont souvent succédé aux officiers rappelés, tandis que les professeurs détachés auprès du Collège de défense de l'OTAN étaient autorisés à terminer leurs cours.