Vacances

Échec de l'étalement des congés

L'été transforme les plages en terrains de jeux surpeuplés, et le repos, qui était traditionnellement associé aux vacances, est devenu une gageure entre le 1er juillet et le 15 août sur les côtes de France.

Dès le mois de mai, Pierre Dumas, secrétaire d'État au Tourisme, prévoyait l'échec de l'étalement des vacances. Selon une enquête de l'INSEE, si les Français pouvaient fixer la date de leurs congés sans contrainte aucune, 25 % choisiraient le mois de juin, 30 % le mois de juillet, 23 % le mois d'août, 22 % le mois de septembre.

Pour nous inciter à partir en juin ou septembre, le gouvernement avait élaboré un plan de bataille. Il exonérait de la contribution des patentes ceux qui louent à la semaine, il invitait les grandes entreprises nationalisées à fermer leurs portes avant ou après le mois d'août. Ces décisions se sont révélées d'une efficacité douteuse puisqu'en 1967 près de 75 % des vacanciers sont partis entre le 14 juillet et le 31 août.

Ces Français sont allés de préférence au bord de la mer (40 % des journées de vacances en 1966 ; progression de 10 % des séjours d'été depuis 1961) ; de plus en plus volontiers à la montagne, mais ils ont délaissé la campagne, bien qu'elle ait absorbé encore 30 % des nuitées.

Si beaucoup de Français ne passent plus leurs congés chez des parents ou des amis (37 % tout de même), ils ne vont pas à l'hôtel. L'hôtellerie est d'ailleurs une forme d'hébergement de plus en plus délaissée (10 % des journées de vacances en 1961), au profit du camping, qui est devenu un mode de vacances familial.

Il faudra attendre 1970 pour qu'un Français sur deux soit en mesure de profiter de ses congés payés (près de 46 % en 1967). En effet, malgré la courbe démographique (environ 500 000 Français supplémentaires chaque année), le nombre des estivants de 14 à 24 ans n'a pas progressé depuis 1961 et le taux de départ a augmenté de moins de 1 %.

En revanche, de 24 à 29 ans, les vacanciers ont augmenté de 10 %, et ce sont les adultes compris dans cette tranche d'âge qui partent le plus (51 %), leur taux de départ étant supérieur à celui des enfants de moins de 14 ans.

Les Français aiment le soleil et la mer, mais ils trouvent dément de payer deux fois plus cher en France ce qu'ils trouvent hors de nos frontières. Aussi assiste-t-on chaque été à une migration à destination de pays limitrophes, surtout l'Espagne et l'Italie. Cette migration s'accentue chaque année. En 1967, 1 Français sur 4 a franchi la frontière, et l'on note une tendance à aller de plus en plus loin. Grâce aux clubs de vacances, principalement, les séjours lointains ont augmenté de 35 % en deux ans, alors que le nombre total des séjours à l'étranger n'a progressé que de 13 %. En revanche, 12 millions d'étrangers étaient attendus en France en 1967.

Les congés, qui sont entrés dans les mœurs depuis trente ans, risquent de devenir une corvée. On sait déjà que si tous les Français partaient en vacances, la SNCF, qui est déjà saturée les jours de grands départs, ne pourrait pas faire face. Les 30 juin, 1er juillet, 31 juillet, 1er août, tous les wagons disponibles sont en circulation. On a également calculé que les routes et les autoroutes, sur lesquelles, déjà, d'interminables files de voitures roulent au pas, seraient bloquées. Mais le mouvement est irréversible et c'est lui, sans doute, qui imposera l'étalement des vacances.