Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Normandie (bataille de) (suite)

Du côté allemand, le commandement est exercé par von Rundstedt, qui dispose de 58 divisions dont 9 blindées (1 600 chars), réparties en deux groupes d’armées, celui de J. Blaskowitz de la Loire à l’Italie et celui de Rommel* des Pays-Bas à la Loire (P. C. La Roche-Guyon), qui, protégé par le mur de l’Atlantique, réunit 35 divisions. C’est sa VIIe armée (Dollmann, Q. G. Le Mans) et spécialement le 84e corps, installé avec 3 divisions de Caen à Carentan, qui va recevoir le choc de l’assaut allié.

Le plan de campagne d’Eisenhower comprenait, avec l’appui d’éléments aéroportés, la création de cinq têtes de pont entre Ouistreham et Saint-Martin-de-Varreville, capables d’accueillir les troupes de renfort destinées à la conquête des premiers objectifs : Caen, Bayeux, Isigny, Carentan et Cherbourg. Il était prévu de mettre ensuite la main sur la Bretagne, puis de pousser sur la Seine et d’en franchir le cours en libérant Paris. La bataille de Normandie se déroulera à peu près exactement suivant ce plan.


6-11 juin 1944, débarquement et formation des têtes de pont

Du 2 au 6 juin, toutes les fortifications côtières allemandes entre le Pas-de-Calais et Cherbourg sont attaquées par les bombardiers américains. Le 4, à 21 h, le général Eisenhower fixe au 6 juin le jour J ; aussi, dans la nuit du 5 au 6, un millier de bâtiments de guerre escortant ou protégeant 4 126 navires de transport ou de débarquement ayant à leur bord les 5 divisions d’assaut, prennent le large. Au même moment, 1 600 avions et 510 planeurs enlèvent 3 divisions aéroportées : 2 américaines, les 82e (Ridgway) et 101e (Taylor), en tout 15 000 hommes, sont larguées dans la région de Carentan-Sainte-Mère-Église pour s’assurer des ponts du Merderet ; une britannique, la 6e (Gale), de 8 000 hommes, doit coiffer les ponts entre la Dives et l’Orne et détruire la batterie côtière allemande de Merville. Dans le secteur américain, l’assaut est exécuté autour de 6 h 30 sur les plages Utah (Saint-Martin-de-Varreville) et Omaha (pointe du Hoc), dans le secteur britannique sur les plages Gold (Arromanches), Juno (Courseulles) et Sword (Lion-sur-Mer, Riva-Bella), où combat le commando de fusiliers marins français du commandant Philippe Kieffer. Camouflés par un rideau de fumée, protégés par les tirs de l’artillerie navale et des roquettes des LCT, appuyés au plus près par la chasse aérienne, les navires de débarquement lancent les unités d’assaut à la conquête des plages sous le feu de la défense allemande.

Le 6 au soir, après des combats acharnés, 57 000 Américains et 75 000 Britanniques ont pris pied sur la côte française, tandis que les unités aéroportées, qui ont dû surmonter de nombreuses difficultés et affronter de sérieuses résistances (à la batterie de Merville notamment), se rassemblent dans leurs zones respectives. Les Allemands ont été complètement surpris ; leurs communications sont disloquées et, malgré l’insistance de Rommel, les Panzer tenus en réserve n’ont pas été engagés, car von Rundstedt s’attend à un autre débarquement dans la région du Pas-de-Calais. Cependant, tous les objectifs n’ont pas été atteints : il n’y a pas de jonction entre les Britanniques et les Américains, qui, eux-mêmes, n’ont pu réaliser le contact entre Utah et Omaha, où la situation reste précaire. Des poches allemandes résistent, un immense travail de nettoyage reste à entreprendre. Le 7 juin, les unités d’Omaha progressent lentement et réalisent près de Port-en-Bessin leur jonction avec les Britanniques de Gold. Ceux-ci s’emparent le jour même de Bayeux intact, qui, le 14, recevra le général de Gaulle. Le 9, les Américains sont à Isigny et se battent autour de Montebourg. Le 11 enfin, un front continu est établi sur la ligne nord de Caen - Bayeux - Isigny - Montebourg, à l’abri duquel 325 000 hommes ont pu débarquer grâce aux rades (gooseberries) et ports (mulberries) artificiels créés à Martin-de-Varreville, Courseulles, Ouistreham et surtout à Saint-Laurent-sur-Mer et à Arromanches.

Le port artificiel d’Arromanches

Le développement de l’opération Overlord exigeait pour les Alliés la possession rapide d’un port et ne pouvait être subordonné à la prise incertaine de celui de Cherbourg (que les destructions allemandes rendront par ailleurs inutilisable au lendemain de sa libération). Aussi, les côtes du Calvados ne comportant pas de base portuaire, le commandement allié décidait-il de créer de toutes pièces deux ports artificiels, ou mulberries, l’un à Arromanches dans le secteur britannique, l’autre à Saint-Laurent-sur-Mer dans le secteur américain. Ce dernier ayant été totalement bouleversé par une violente tempête dès le 19 juin, seul celui d’Arromanches fut réalisé et mis en service dès le début de juillet 1944.

Le port d’Arromanches, constitué d’éléments préfabriqués et acheminés d’Angleterre par convois, comprenait :
— un brise-lames flottant formé de gros cylindres en caoutchouc de 70 mètres de long sur 5 mètres de diamètre (bombardons) ;
— des jetées faites de navires sacrifiés ; lestés de ciment, coulés par 5 mètres de fond environ (corncobs) ; elles équipèrent également dès le 10 juin les rades artificielles (ou gooseberries) de Saint-Martin-de-Varreville, Courseulles et Ouistreham (où sera coulé le vieux cuirassé français Courbet de 22 000 t) ;
— une ceinture de cubes de béton, dits « phénix », remorqués à travers la Manche et coulés pour doubler les corncobs (les plus importants des phénix mesuraient 65 mètres de long, 20 de haut et 18 de large, soit un déplacement d’environ 6 000 t) ;
— des quais d’accostage constitués par des caissons métalliques (70 mètres de long et 20 de large) ancrés au fond, mais suivant le mouvement de la marée (whales) ;
— des routes flottantes supportées par des flotteurs (bettles) reliant les quais au rivage. Entre le 6 et le 16 juin, 557 000 hommes, 81 000 véhicules et 186 000 tonnes de matériel transitèrent par les gooseberries et les mulberries.

Un plan très exact du port d’Arromanches a été reconstitué au musée de la ville en souvenir du débarquement de 1944.