Normandie (suite)
Le château de Gaillon, reconstruit de 1501 à 1510 pour le cardinal Georges d’Amboise et dépecé après la Révolution, fut le premier et prestigieux manifeste de la Renaissance. Bientôt s’érigeront, parmi bien d’autres édifices intéressants, le manoir Ango, à Varengeville, le château de Bailleul (Angerville-Bailleul) et le Gros-Horloge de Rouen. Les voûtes des églises et même de certains monuments civils s’ornent de ces magnifiques stalactites qu’on appelle clés pendantes (Saint-Pierre de Caen).
Si elle demeure rare à l’époque romane et si les statues du xive s. de l’église d’Écouis (Eure) ont sans doute été exécutées en Île-de-France, la sculpture normande est particulièrement généreuse par la suite : elle se prodigue, à la cathédrale de Rouen, dans le décor du monument funéraire des cardinaux d’Amboise, par Roland Leroux, et de celui de Louis de Brézé, qu’on a longtemps attribué à Jean Goujon, lequel en effet travaillait à Rouen de 1540 à 1542. Elle donnera à l’art classique français les Anguier et Pierre Mazeline (1632-1708), tandis qu’en peinture Poussin*, les Restout*, Jean Jouvenet* et Robert Tournières (1667-1752) sont eux aussi issus du milieu normand.
Les xviie et xviiie s. ont laissé de remarquables ouvrages d’architecture. L’ancien hôtel de ville de Rouen était attribué à Jacques Ier Gabriel, le château de Balleroy (Calvados) l’est à François Mansart*. À l’époque Louis XVI appartiennent le palais épiscopal de Sées, l’hôtel de ville d’Alençon et le château de Bénouville (Calvados), une des réussites de Nicolas Ledoux.
Le xixe s., qui s’est manifesté par un vandalisme dont les archéologues normands, élèves d’Arcisse de Caumont (1802-1873), dénonçaient les méfaits, s’est signalé aussi, par contre, en créant des musées, notamment ceux de Rouen et de Caen. Dans le domaine des arts d’expression, la Normandie s’est illustrée par les noms de Géricault*, de Millet*, d’Eugène Boudin* (musée du Havre). Si Claude Monet* n’est pas normand de naissance, il l’est par élection. Le xxe s. a donné Raoul Dufy*, Othon Friesz, Léger*, Braque*, les frères Duchamp*. Mais son œuvre essentielle est du domaine architectural : il lui a fallu restaurer, voire reconstruire des cités entières, témoin Caen et surtout Le Havre, entièrement renouvelé par Auguste Perret*.
Les arts appliqués
Le travail du bois est brillamment représenté en Normandie, qui conserve dans la cathédrale de Bayeux l’un des plus anciens meubles français, une armoire du xiie s., autrefois peinte. La sculpture des stalles capitulaires de Bourg-Achard, celles de la cathédrale de Rouen, chef-d’œuvre entrepris par Philippe Viart en 1457, celles de Gaillon (en partie remontées dans le chœur de Saint-Denis), le grand « lit de justice » d’Argentelles (Orne), que possède le musée de Philadelphie, le splendide plafond caissonné, aujourd’hui perdu, du palais de justice de Rouen montrent une inépuisable fantaisie dans l’emploi tant du formulaire gothique flamboyant que du nouveau répertoire italien. La simplicité noble du xviie s. est heureusement représentée à Caen par les belles boiseries de l’ancien réfectoire de l’abbaye aux Hommes. Enfin, le talent des menuisiers normands est bien connu aussi par leurs armoires habilement sculptées.
D’intéressants vitraux du Moyen Âge subsistent à Saint-Maclou et Saint-Ouen de Rouen (sans parler de la cathédrale), à Évreux, à Caudebec-en-Caux, à Notre-Dame-de-la-Couture de Bernay, à Conches-en-Ouche, etc., la Normandie étant, notamment au xvie s., une région importante de production.
Les métiers d’art fleurissent : à Gisors, au xviie s., c’est une manufacture de tapisseries, à Rouen un atelier de cuirs gaufrés, peints et dorés. Dès le deuxième quart du xvie s., Masséot Abaquesne dirige à Rouen une faïencerie prospère, dont, en 1644, Edme Poterat († 1687) renouvellera l’activité. Les céramiques rouennaises offrent non seulement des pièces de vaisselle, mais des ouvrages d’exception : les bustes des Saisons du Louvre, les globes céleste et terrestre du musée de Rouen.
Fameuses sont les dentelles à l’aiguille d’Alençon, qui, en 1685, occupaient huit mille praticiennes ; elles étaient imitées dès 1675 par Argentan. Caen et Bayeux, par contre, exécutaient aux fuseaux des dentelles de soie rivalisant avec celles de Chantilly.
G. J.
➙ Angleterre / Caen / Calvados / Cent Ans (guerre de) / Cherbourg / Évreux / Guillaume le Conquérant / Havre (Le) / Henri II Plantagenêt / Manche / Normands / Orne / Philippe II Auguste / Rouen / Seine (la) / Seine-Maritime.
E. G. Léonard, Histoire de la Normandie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1944 ; 4e éd., 1972) ; Les Études normandes (Bayeux, 1944). / M. Mollat, le Commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge (Plon, 1952). / R. Musset, la Normandie (A. Colin, 1960). / C. Frégnac, Merveilles des châteaux de Normandie (Hachette, 1966). / L. Musset, la Normandie romane (Zodiaque, la Pierre-qui-vire, 1967). / B. Champigneulle, Promenades en Normandie (A. Balland, 1969). / A. Frémont, l’Élevage en Normandie. Étude géographique (Fac. des lettres, Caen, 1969 ; 2 vol.). / R. Jouet, la Résistance à l’occupation anglaise en Basse-Normandie, 1418-1450 (Musée de Normandie, Caen, 1969). / M. Foisil, la Révolte des Nu-pieds et les révoltes normandes de 1639 (P. U. F., 1970). / Y. Christ, Métamorphoses de la Normandie (Balland, 1971). / M. de Boüard (sous la dir. de), Histoire de la Normandie (Privat, Toulouse, 1970) ; Documents de l’histoire de la Normandie (Privat, Toulouse, 1972).