Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Napoléon Ier (suite)

Napoléon II

(François Charles Joseph Napoléon Bonaparte), duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche (Paris 1811 - Schönbrunn 1832).

Comme pour Louis XVII, la légende, puis les faits et la volonté de Napoléon III ont consacré ce nom de Napoléon II qui ne fut jamais légalement porté. La destinée du jeune homme, qui fut salué « roi de Rome » en naissant, à qui son père Napoléon Ier comptait bien laisser un vaste empire et qui mourut, à vingt et un ans, simple prince autrichien, a quelque chose de mystérieux et de touchant qui a fasciné les poètes et entretenu jusqu’à nos jours une espèce de culte dont témoigne notamment le « retour des cendres » de Napoléon II à Paris, le 15 décembre 1940, cent ans, jour pour jour, après le retour du corps de Napoléon Ier.

La naissance aux Tuileries du fils de l’Empereur est saluée, le 20 mars 1811, avec un enthousiasme inouï. Le petit prince aura comme gouvernante Mme de Montesquiou, et les feuilles officielles raconteront, suivant l’habitude, quelques traits enfantins de l’altesse en maillot. Mais celle-ci n’a pas trois ans quand les Alliés envahissent la France : avant de partir les combattre, en janvier 1814, Napoléon confie son fils — qu’il ne reverra jamais — au patriotisme des officiers de la garde nationale. Paris étant menacé, l’Empereur prescrit à son frère Jérôme de faire retirer l’impératrice et le roi de Rome au sud de la Loire. De Blois, la mère et le fils gagnent Orléans avant de se diriger vers l’est et de franchir le Rhin à Huningue (avr). Dans l’acte d’abdication de Fontainebleau (11 avr.), l’Empereur réserve les droits du roi de Rome, Marie-Louise étant régente. Les Alliés préféreront traiter avec les Bourbons restaurés. Il en sera de même lors de la seconde abdication (22 juin 1815).

Confié à son grand-père l’empereur d’Autriche François Ier et devenu duc de Reichstadt, le fils de l’empereur des Français va mener, jusqu’à sa mort prématurée, la vie dorée et fastidieuse d’un prince autrichien, devenu à vingt ans colonel et gouverneur de Graz. Ce beau jeune homme blond, qui promène partout son ennui et probablement aussi la nostalgie de sa naissance, est étroitement surveillé. C’est que, sans qu’il le sache, il inquiète l’Europe de Metternich ; quand, le 11 juin 1817, le duché de Parme est donné en souveraineté à Marie-Louise, la clause de réversibilité dont bénéficie le duc de Reichstadt est rapidement annulée à la demande de Louis XVIII, qui craint de voir un Bonaparte régner en Italie.

Depuis la mort de Napoléon Ier, le parti libéral en France tourne volontiers les yeux vers l’Autriche, qui retient en cage « l’Aiglon ». Béranger (les Deux Cousins), A. M. Barthélemy (le Fils de l’homme), entre autres, exaltent le noble « prisonnier ». Après la révolution de 1830, le « culte » de Napoléon II prend des proportions considérables ; certains libéraux songent même à appeler au trône le fils du grand empereur ; en 1831, quelques enthousiastes prononcent son nom quand il est question de donner un roi aux Belges. Mais l’Autriche garde bien son prince ; et c’est à Schönbrunn qu’il meurt, de phtisie, le 22 juillet 1832.

Parmi les poèmes inspirés par sa mort, le Napoléon II de Victor Hugo est l’un des plus beaux : le titre et le mouvement de cette pièce semblent avoir inspiré à Edmond Rostand le drame l’Aiglon (1900), dont la reprise perpétue l’un des épisodes les plus touchants de l’« épopée napoléonienne ».

P. P.

 J. de Bourgoing, le Fils de Napoléon, roi de Rome (Payot, 1951). / A. Castelot, l’Aiglon (le Livre contemporain, 1959). / J. Thiry, le Roi de Rome (Berger-Levrault, 1969).

Napoléon III

(Paris 1808 - Chislehurst, Kent, 1873), président de la IIe République française (1848-1852), empereur des Français (1852-1870).



Introduction

Le 9 janvier 1873 s’éteignait au manoir de Camden Place, à Chislehurst, gros bourg du Kent situé à dix-huit kilomètres de Londres, celui qui, durant vingt-deux ans, comme président de la République (1848-1852), puis comme souverain (1852-1870), avait été le maître de la France, d’un pays en pleine mutation économique et sociale.

L’empereur Napoléon III, terrassé par une lithiase urinaire qui le faisait souffrir depuis des années, n’avait que soixante-cinq ans. S’il était mort trois ans plus tôt, au début de 1870, toute l’Europe aurait défilé devant le corps du plus prestigieux souverain du continent et il est probable que « Napoléon le Petit » eût été rejoindre « Napoléon le Grand » aux Invalides. On y viendrait se recueillir sur son tombeau, alors que c’est dans la froide indifférence de la crypte du château de Farnborough Hill que reposent Napoléon III, l’impératrice Eugénie et le prince impérial. Aucun mouvement d’opinion ne s’est dessiné pour un éventuel « retour des cendres ».

On a pu parler d’un « mythe Napoléon », s’agissant de Napoléon Ier, et le colloque universitaire de 1969 a pu mettre en relief les aspects apparemment contradictoires du grand empereur, ce romantique réaliste, ce despote que la légende a transformé en héraut de la liberté.

Il n’y a pas de « mythe Napoléon III », pour la raison que le personnage est mal connu, difficile à cerner et que, la IIIe République s’étant montrée très dure à l’égard de « Badinguet », tenu pour responsable du désastre de 1870, toute « légende » fut étouffée dans l’œuf malgré le zèle de bonapartistes beaucoup plus nombreux qu’on ne l’a dit et parce que le prince impérial, disparu à vingt-trois ans, six ans après son père, n’eut pas le temps d’affirmer ses qualités de prétendant.

Si bien que, si le second Empire* a fait l’objet d’études sérieuses, la personne du second empereur, fort malmenée par les historiens orléanistes et républicains, est encore en grande partie dans l’ombre. C’est qu’il s’agit d’« un personnage complexe, écartelé entre les impératifs glorieux de la légende et les aspirations libérales du siècle » (Adrien Dansette).