Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

jugement (suite)

Élaboration, rédaction et prononcé des jugements

Le jugement peut être l’œuvre d’un magistrat siégeant comme juge unique ou bien celle d’un collège de juges qui, en conformité d’un principe fondamental de l’organisation judiciaire française, sont en nombre impair pour délibérer. La délibération est la phase d’élaboration du jugement, au cours de laquelle la décision à intervenir est arrêtée définitivement ; il y est procédé après clôture des débats, soit « sur le siège », c’est-à-dire sur-le-champ, soit en « chambre du conseil » (dans ce cas, les magistrats se retirent dans une salle spéciale pour discuter du problème posé), ou bien encore l’affaire est mise « en délibéré » pour prononcé du jugement à une audience ultérieure, forme de délibéré la plus couramment utilisée en matière civile. Le délibéré est traditionnellement « secret », afin de garantir l’indépendance des juges ; les magistrats, lors de leur entrée en fonctions, prêtent spécialement serment de garder « religieusement » le secret des délibérations ; seuls les juges peuvent prendre part au délibéré, à l’exclusion, notamment, du représentant du ministère public. La décision est prise à la majorité des voix des juges qui ont assisté aux débats ; elle statue sur toutes les demandes des parties sous peine d’être « cassée » par la Cour de cassation.

Le jugement doit être rédigé par écrit afin d’être conservé dans les archives du greffe : cette rédaction officielle s’appelle la minute. Elle est transcrite par le secrétaire-greffier, d’après la rédaction officielle qu’en a faite le président ou l’un de ses assesseurs ; elle comprend, outre un certain nombre de mentions prescrites par la loi, deux parties distinctes : les « motifs », qui sont les raisons ayant motivé la décision, et le « dispositif », qui constitue le jugement lui-même ; elle est authentifiée par la signature du président et celle du secrétaire-greffier.

Le jugement ainsi rédigé doit, à peine de nullité, être prononcé publiquement par le président ou, à défaut, par l’un des juges qui ont pris part à la délibération, même si les débats ont eu lieu à huis clos, sauf quelques exceptions expressément prévues par la loi en matière civile. La copie de la minute délivrée par le secrétaire-greffier s’appelle une expédition du jugement ; la grosse du jugement est celle des expéditions qui est revêtue de la formule exécutoire.


Effets des jugements

Le premier effet du jugement prononcé est de dessaisir le juge, qui ne peut plus le rétracter ou le modifier ; toutefois, le juge peut, à la demande des parties, procéder à une rectification de sa décision s’il s’agit d’une omission ou d’une erreur matérielle à redresser et à une interprétation si l’exécution du jugement se heurte à une difficulté tenant à l’obscurité de la décision, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’un moyen détourné pour obtenir une modification du jugement.

En règle générale, les jugements ne créent pas les droits qu’ils reconnaissent aux parties ; ils se bornent à en déclarer l’existence ; en raison de ce caractère déclaratif, ils ont un effet rétroactif, et l’on doit alors se placer au jour de la demande pour apprécier le droit des parties. Mais il n’y a pas d’effet déclaratif lorsqu’un jugement crée une situation nouvelle, comme cela est le cas en matière de divorce.

Tout jugement a l’autorité de la chose jugée dès le jour où il a été prononcé, même s’il n’a pas été rendu en dernier ressort : cette autorité persiste tant qu’il n’a pas été formé de recours, et, si aucun recours n’est formé dans les délais, le jugement devient irrévocable.

Le jugement donne enfin à celui qui l’a obtenu le droit de poursuivre, au besoin par la force, l’exécution de la décision rendue à son profit.

Les jugements étrangers, qui sont rendus au nom d’une souveraineté étrangère, sont sans effet tant qu’ils n’ont pas été revêtus de l’« exequatur », hormis les jugements relatifs à l’état et à la capacité des personnes qui produisent en France, sans exequatur, leurs effets juridictionnels autres que la force exécutoire ; la procédure d’exequatur est une procédure de contrôle des jugements étrangers par le juge français.

J. B.

➙ Jury / Justice (organisation de la).

juif (art)

Plus de trente siècles de tradition ont façonné, chez le peuple juif, une pensée typique qui, pour être fortement imprégnée de la loi mosaïque, n’en a pas moins embrassé les horizons les plus divers de la culture. Cependant, il est un domaine, celui des arts plastiques, qui a peu accaparé l’attention du peuple d’Israël au cours des millénaires. La raison de ce relatif désintérêt nous est donnée par le deuxième commandement du Décalogue (Exode, xx, 4), qui défend aux fils d’Abraham de reproduire l’image de l’idole, de l’être humain et de l’animal. Mais cet interdit fut souvent tourné, et, à certaines époques, il semble même avoir été ignoré, tant était grand le libéralisme.


Si le peuple d’Israël aborde véritablement l’art artisanal au IIe millénaire avant notre ère, à l’époque des Juges, ce n’est qu’à partir de l’époque royale que les objets de cet art s’affinent et se parent d’élégance. Cependant, les céramiques, figurines, vases, brûle-encens, masques et autres objets mis au jour par les fouilles s’apparentent plus aux arts mineurs des Cananéens, des Hittites, des Phéniciens ou des Égyptiens qu’à un art de tradition juive, même si certaines pièces, telles que les sceaux, les monnaies, les jarres à estampilles royales, s’ornent de la Menorah (chandelier à sept branches) et d’autres motifs cultuels, d’inscriptions hébraïques ou de représentations bibliques.

Le sentiment de l’art s’affirme avec plus de conviction chez les Hébreux* lorsque ceux-ci érigent des temples et des palais royaux. C’est ce dont témoignent le Temple de Salomon à Jérusalem*, les palais de Meggido et de Samarie des xe et ixe s., la citadelle des rois de Juda à Ramat Rahel (viie s.) et le Second Temple construit par Esdras et embelli par Hérode le Grand, où, d’après Flavius Josèphe, des éléments décoratifs de l’hellénisme tardif se mêlaient à des éléments juifs traditionnels.