Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jongkind (Johan Barthold)

Peintre néerlandais (Lattrop, province d’Overijssel, 1819 - Saint-Égrève, 1891).


Fils d’un petit fonctionnaire et destiné par ses parents à entrer à son tour dans l’Administration, il manifesta d’abord une vocation de marin, puis un goût passionné pour le dessin. Contre la volonté de sa mère, devenue veuve en 1836, il alla se faire admettre à l’académie de La Haye. Il y eut pour professeur Andreas Schelfhout (1787-1870), peintre de paysages, de marines, bon aquarelliste, admirateur et ami d’Eugène Isabey (1804-1886), auquel il s’empressa de présenter son brillant élève ; celui-ci, grâce à la bourse royale que l’un et l’autre s’employèrent à lui faire obtenir, put venir, en 1846, continuer ses études à Paris.

Cédant aux impulsions d’un tempérament outrancier, il se livra dès cette époque à des excès de boisson ; il lui fut également reproché le type de ses fréquentations féminines. Ses compatriotes avertis du scandale, il sera bientôt privé de sa pension et vivra durant une quinzaine d’années dans le désordre et la misère, ce que reflètent les inégalités de son abondante production.

Il était capable de brosser, en habile artisan, de petits tableaux conçus pour plaire à une clientèle hostile au paysage pur, mais facilement touchée par des vues de nature augmentées d’un sujet de genre : clair de lune sur le port ; pittoresque du vieux Paris ; patineurs animant le miroitement d’une étendue glacée, etc. Mais il lui arrivait aussi — et il en aura de plus en plus le loisir — de traduire spontanément, par des notations d’une impérieuse économie, au crayon et à l’aquarelle, les spectacles du réel par tous les temps, à toutes les heures du jour. Ce fut ainsi que, d’instinct, sans avoir jamais tenu le moindre propos théorique, il préluda à l’impressionnisme*, voire au divisionnisme en des peintures exécutées à l’atelier, mais gardant la vivacité de la sensation préalable.

En 1848, il expose au Salon libre. Il obtient une médaille à celui de 1852, mais, en pleine déroute physique et morale, ne peut subsister que grâce au secours de ses amis français, qui le font admettre à côté d’eux aux Salons de 1855 et de 1857. Alors qu’il était retourné dans son pays natal, le peintre Adolphe Félix Cals, au nom de ceux-ci, vient le décider à rejoindre Paris. Refusé au Salon de 1861, Jongkind participe en 1863 au Salon des refusés, où celle qui deviendra pour lui une compagne providentielle, sa compatriote Mme Fesser, expose à côté de lui. Il ne se livrera plus, désormais, que de loin en loin aux imprudences qui le font d’ores et déjà souffrir de troubles de la vue et de la raison.

Louange par J. A. Castagnary, remarqué par Philippe Burty, il connaît enfin le succès ainsi que la sécurité matérielle. À Honfleur, il se lie d’amitié avec Eugène Boudin* ; Monet* lui demande des conseils. Baudelaire s’éprend de ses eaux-fortes, magistralement expressives de l’essentiel ; Edmond de Goncourt, qui lui rend visite, trace de lui ce sympathique portrait : « Figurez-vous un grand diable de blond, aux yeux bleus, du bleu de la faïence de Delft, à la bouche aux coins tombants, peignant en gilet de tricot et coiffé d’un chapeau de marin hollandais. » Et il ajoutera plus tard, en 1882 : « Une chose me frappe, c’est l’influence de Jongkind. Tout le paysage qui a une valeur, à l’heure qu’il est, descend de ce peintre, lui emprunte ses ciels, ses atmosphères, ses terrains. »

Confortablement installé dans le quartier de Montparnasse, Jongkind vit en fait en perpétuel nomade à la recherche de paysages nouveaux. C’est en 1878 qu’il se retire en Dauphiné, à La Côte-Saint-André, où il continue à donner des aquarelles dont chaque ligne, chaque touche, chaque modulation témoignent d’une verve sûre et ingénue. Atteint de la folie de la persécution, il est soigné en vain, en 1889, à l’asile d’aliénés de Saint-Égrève.

M. G.

 E. Moreau-Nélaton, Jongkind raconté par lui-même (Laurens, 1918). / P. Signac, Jongkind (Crès, 1927). / P. Colin, Jongkind (Rieder, 1931). / C. Roger-Marx, Jongkind (Crès, 1923).

Jordaens (Jacob)

Peintre flamand (Anvers 1593 - id. 1678).


Fils d’un marchand de toile d’Anvers, il commence son apprentissage dans l’atelier d’Adam Van Noort (1562-1641), qui avait été le maître de Rubens*. Dès 1615, il est inscrit dans la guilde anversoise, dont il assumera les fonctions de doyen en 1621. Il épouse en 1616 Katharina Van Noort, fille d’Adam.

Bien qu’il ne soit jamais allé en Italie, Jordaens, tout comme Rubens, admire le Caravage* et s’intéresse au maniérisme de Jacopo Bassano*. C’est le thème caravagesque des « concerts intimes » et des « tableaux de conversation » qui va d’abord s’imposer à lui au travers d’une inspiration et d’un contexte flamands. Le Groupe de famille (1616) du musée de Kassel, qui représente l’artiste avec sa femme et son beau-père, et l’Adoration des bergers (1618) du musée de Stockholm témoignent de cette influence. Les Quatre Évangélistes (musée du Louvre), que l’on situe généralement entre 1620 et 1625, est une de ses premières œuvres marquantes ; la figure de saint Jean, drapé de blanc, s’y oppose aux visages burinés et cuivrés des trois autres personnages. L’artiste, ici, se montre non seulement un grand coloriste, mais aussi un homme tourné vers le peuple flamand, vers ses travailleurs dont il peint les doigts noueux et l’allure un peu rustre.

Sa sensualité, par ailleurs, son amour des formes opulentes éclatent, avec un coloris éblouissant, dans le jeu savant d’ombres et de lumières qui caractérise une des plus belles œuvres, Hommage à Pomone ou Allégorie de la Fécondité, peint vers 1628 (musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles). À la même époque, Jordaens se met à travailler avec Rubens. L’aspect sculptural des figures va aller en s’accentuant, et les thèmes vont se multiplier : sujets religieux, comme le Saint Martin guérissant un possédé des musées de Bruxelles ; sujets mythologiques, comme l’Enfance de Jupiter (Louvre) ou Ariane et Bacchus (musée de Dresde).