jardins (art des) (suite)
Vision d’un âge d’or ou d’un paradis perdu, le jardin est longtemps resté une tentative pour établir des liens avec le divin. Devenu un moyen d’appropriation, vaste ou borné aux ambitions individuelles, il a fini par n’être qu’un luxe contestable. Pourtant, l’homme ne saurait se passer d’un environnement naturel : le jardin lui reste aussi nécessaire que les sources pures dont l’alimentaient les vieux rêves édéniques.
Jardins de Chine et du Japon
L’art des jardins en Extrême-Orient répond, par son importance et sa continuité, à un besoin profond de communion avec l’univers, sans équivalent en Europe, sinon de façon fragmentaire et épisodique.
À l’inverse des conflits entre le monde sensible et le surnaturel, une recherche patiente d’accord avec les rythmes cosmiques caractérise la vieille Chine taoïste et se renforce encore au ive s. avec l’implantation du bouddhisme.
Sous l’influence des monastères du chan (tch’an), puis du zen japonais, se développe un art qui invite à la sagesse et à l’immortalité en sublimant la nature dans de simples objets ou dans des compositions qui vont du lavis de paysage au jardin proprement dit : la montagne est suggérée à l’aide de quelques rochers caverneux et l’eau, souvent, par du sable et des pierres ; arbres et fleurs sont disposés de façon significative. On trouve cette démarche philosophique présente dans les merveilleux parcs princiers comme dans les plus modestes jardins ; ici et là, une hutte d’ermite en rappelle le but essentiel : la méditation.
Chaque région réagit d’ailleurs selon sa sensibilité propre. En Chine*, on accorde un rôle important à l’architecture ; kiosques, ponts, galeries ménagent des points de vue, tracent un itinéraire. Au Japon, par contre, on aboutit au jardin fait pour être embrassé d’un regard, et on le réduit même aux dimensions d’une boîte, d’un plateau et à celles de l’arrangement floral dans les maisons (art de l’ikebana). Ici et là, au cours des temps, la religiosité des premières créations s’est estompée en se teintant d’humanisme. Au ive s., le prosélytisme des moines chinois du Lotus-Blanc multipliait les répliques du parc du Lushan (Lou-chan) dans le Jiangxi (Kiang-si) ; dix siècles plus tard, les « palais d’été » seront surtout destinés aux réceptions, et l’on y introduira la musique, voire (par un curieux échange d’influences sous l’empereur Qianlong [K’ien-long] au xviiie s.) les illusions scénographiques franco-italiennes.
Au Japon, la primauté des jardins de méditation s’établit au xiie s., et, deux siècles après, le « jardin des mousses » du Saihō-ji de Kyōto* est encore dû à un moine, Musō Kokushi. Mais, au xve s., c’est un peintre, Sōami, qui trace dans la même ville le Daisen-in, petit paysage d’eau desséché. Face au sordide quotidien, le raffinement esthétique va l’emporter désormais avec les professionnels chargés de fournir un cadre visuel à la cérémonie du thé*.
H. P.
➙ Art.
P. Grimal, les Jardins romains à la fin de la République et aux deux premiers siècles de l’Empire (E. de Boccard, 1945 ; 2e éd., P. U. F., 1969) ; l’Art des Jardins (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1954 ; 2e éd., 1964). / O. Siren, Gardens of China (New York, 1948). / E. de Ganay, les Jardins de France et leur décor (Larousse, 1949). / G. Gromort, l’Art des Jardins (Vincent, Fréal et Cie, 1953 ; 2 vol.). / L. Hautecœur, les Jardins des dieux et des hommes (Hachette, 1959). / M. Charageat, l’Art des Jardins (P. U. F., 1962). / J. S. Berrall, The Garden, an Illustrated History (New York, 1966 ; trad. fr. Histoire illustrée des jardins, Pont Royal, 1968).